Au cours du mois de mai dernier s'est tenu à Séoul le 80e congrès de l'Association internationale de la presse sportive ( AIPS) qui compte près de 180 membres. Plus d'une centaine de nations ont participé à ce congrès organisé au pays du Matin calme, qui est appelé à abriter l'année prochaine les Jeux olympiques d'hiver. L'Algérie y était représentée par son association agréée auprès de cette instance, l'AJSA. Sous la présidence de l'Italien Gianni Merlo, les assises de ce congrès ont vu se relayer différentes conférences basées sur le métier d'informer et les dangers qui le guettent, mais également sur les aléas qui minent le sport mondial et les sportifs, dont le dopage et la corruption ne sont pas des moindres. La corrélation entre journalisme et sport n'étant plus à démontrer, les journalistes éprouvent de plus en plus de difficultés pour défendre la crédibilité et l'indépendance de leur métier. «Le dopage et la corruption sont le cancer qui peut tuer le sport», a estimé dans son rapport le président de l'AIPS, qui pense que la chute de la crédibilité des résultats sportifs pourrait entraîner une désertion du public vers d'autres centres d'intérêt. Dans de nombreux cas, les intérêts liés au sport amènent de la part de gens malintentionnés le désir d'étouffer la liberté d'expression et restreindre le champ de manœuvre de la pratique journalistique. L'autre danger qui guette la profession, particulièrement la presse papier, a trait, selon Gianni Merlo, à l'émergence continue de nouveaux médias, particulièrement électroniques, qui ont tendance à rendre la situation de la presse traditionnelle très difficile. «Les nouveaux médias ont créé une jungle de l'information. Ils tentent de nous discréditer pour nous banaliser. Nous devons réfléchir à la manière de parer à la divulgation de fausses informations à travers les réseaux. La communication saine et responsable est en danger», a-t-il dit en réitérant l'alerte déjà lancée en direction des représentants de la presse sportive mondiale : nous devons gagner la bataille de la crédibilité si nous ne voulons pas être remplacé par le «Jurassik Park» de l'info. Il ne manquera pas de revenir sur la situation de la presse papier qui périclite à travers le monde et qui a déjà entraîné la perte de dizaines de milliers d'emplois. «Ce qui peut aujourd'hui sauver le journalisme papier, particulièrement dans notre domaine professionnel, le sport et les sportifs, c'est le journalisme d'investigation» a-t-il soutenu ; malheureusement, là aussi, les problèmes sont nombreux. Pour ce faire, il a invité un journaliste allemand d'investigation qui a fourré son nez dans les performances de grands athlètes, poussant ses enquêtes sur les amplitudes assez criantes qu'il y avait entre l'évolution normale des résultats sportifs de ces derniers et leur soudaine performance de pointe, synonyme parfois de records quasi inattendus… Hajo Seppelt, le conférencier-journaliste d'investigation qui a défrayé la chronique, a été l'auteur de nombreux documentaires sur le sujet du dopage dont il en a fait son cheval de bataille jusqu'à la sortie de son reportage-scandale intitulé Mission : nettoyer le sport. Le film a démontré les failles cachées du système de contrôle antidopage en Allemagne, ce qui n'a été ni du goût des autorités sportives, ni de celui de l'agence antidopage allemande (NADA). Le gouvernement allemand a intenté une action en justice contre Hajo Seppelt, mais a abordé, en parallèle, une restructuration en profondeur du NADA, non exempté de tout soupçon. Le sujet a provoqué, depuis, de nombreux débats publics sur la fiabilité des résultats des sportifs de haut niveau aussi bien en Allemagne qu'en Europe. Ce qui jette jusqu'à aujourd'hui un trouble sur les performances athlétiques de haut niveau… «Quand j'ai découvert des cas de dopage prouvés, il y a eu beaucoup de résistances des autorités sportives et même de certains confrères qui m'ont accusé de vouloir détruire le sport», a dit le conférencier, qui ne s'expliquait pas comment, sous le prétexte de défendre «le pain quotidien», des journalistes se laissent aller à fermer les yeux sur des cas de performance inexpliquée, donc sur des cas de dopage avérés. «Par mes enquêtes, je ne veux pas détruire le sport, ni nuire à des sportifs qui sont notre gagne-pain, mais plutôt sauver la crédibilité du journalisme sportif contre les abus et les intérêts personnels, qu'ils soient de l'athlète lui-même ou de ses sponsors…», a-t-il clamé. Il ira plus loin en s'attaquant à certains de ses confrères qui étaient et sont toujours des supporters de ces performances, refusant, pour noircir du papier ou offrir des images flatteuses et donner des émotions au public, de prendre de la distance entre leur métier et l'honnêteté de bien le servir. «Les journalistes qui vont au fond des choses dérangent, y compris dans leur propre cercle professionnel. Cela est valable pour tous les pays», a conclu Hajo Seppelt en exigeant de l'assistance, formée de journalistes venus des quatre coins du monde, de sauver leur métier en y injectant surtout et beaucoup de crédibilité. Un débat passionnant s'en est suivi, dans lequel Gianni Merlo, le président de l'AIPS, a contre-attaqué en lançant au conférencier qu'il ne fallait pas «mettre tous les journalistes dans le même sac». Le problème, a-t-il enchaîné, pour les organes de presse est de donner de grands moyens logistiques et financiers à leurs enquêteurs (ce qui n'est pas toujours évident) pour leur permettre d'atteindre des résultats escomptés (cinq à dix personnes parfois sur une enquête). Cette propension au journalisme d'investigation n'est pas uniforme à tous les pays de la planète. Dans un débat très poussé, des intervenants, dont l'auteur de ces lignes, ont estimé que le journalisme dans de nombreux pays africains ou même d'Asie ont beaucoup de difficultés à parvenir aux sources d'informations. Très souvent les intérêts étroits et même les pressions des gouvernements font que l'omerta est sans faille. «Les sujets d'investigation sont sous-tendus par des preuves et des recoupements d'informations pour en faire des évidences vérifiées à toutes les sources avant parution», a déclaré un intervenant. Ce dernier est allé plus loin en citant cette multitude de matchs de football truqués et visibles «à l'œil nu», sans qu'aucune preuve émergente ne vienne condamner cette attitude négative brandie au nez et à la barbe de l'opinion publique. Peu avant le terme de ce congrès, il a été procédé à la réélection, pour quatre ans, de l'Italien Gianni Merlo à la présidence de l'AIPS et au renouvellement du comité exécutif.