Nous vivons entourés de microbes. L'être humain est exposé continuellement à des milliards de bactéries et autres êtres microscopiques. Pendant des années, les scientifiques se sont évertués à les exterminer ou du moins à les tenir à distance. Mais aujourd'hui, on réalise peu à peu que l'être humain– qui a toujours considéré les bactéries comme des ennemis contre lesquels il fallait se protéger à coup d'antibiotiques ou des vaccins– les rend encore plus résistantes aux plus puissants antibiotiques connus par le fait même de cette lutte. Cette résistance met alors en péril l'une des plus grandes avancées de la médecine moderne -comme la fabrication d'antibiotiques toujours plus performants-, et de simples blessures pourraient devenir mortelles. Mais qui est mis en cause ? Les scientifiques ont découvert qu'à force d'utiliser les antibiotiques, ces derniers perdent de leur efficacité. Et selon les experts, si les recherches n'avanceront plus pour pallier cet épineux problème, l'antibiorésistance dans le monde pourrait provoquer un mort toutes les trois secondes en 2050. Le règne des bactéries s'établira alors sans aucun rempart. On compte parmi les bactéries les plus fréquentes, les espèces du genre Klabsiella Pneumoniae, de la famille des entérobactéries. Ces espèces seraient considérées par les scientifiques comme les bactéries les plus préoccupantes du moment et représenteraient un véritable danger pour la santé publique. «Les infections nosocomiales causées par ces bactéries multirésistantes conduisent à l'augmentation des coûts des soins, à des hospitalisations prolongées, à des échecs thérapeutiques et à un taux élevé de morbidité et de mortalité. K. pneumoniae est un pathogène opportuniste fréquemment impliqué dans des infections sévères, notamment les infections urinaires, de pneumonies et de bactériémies», constate Zineb Belbel, dans sa thèse de doctorat en microbiologie de l'université de Annaba. Intitulée «Evaluation de la résistance aux antibiotiques des souches de Kelbsiella pneumoniae isolées dans les hôpitaux de la ville de Annaba» et réalisée en 2014, l'étude révèle que de nombreuses épidémies nosocomiales causées par cette bactérie ont été décrites, notamment chez les personnes ayant un système immunitaire affaibli, comme les diabétiques et les alcooliques. «Elle peut se propager rapidement entre les patients hospitalisés, surtout dans des unités de soins intensifs adultes ou pédiatriques», écrit encore Zineb Belbel. Jusqu'aux années 1990, les enzymes BLSE (lactamases à spectre étendu) responsables de la résistance, étaient principalement identifiées dans des souches de K. pneumoniae en milieu hospitalier. Dès lors, la situation épidémiologique a complètement changé dans le monde. En Algérie, la première détection d'une souche de K.pneumoniae produisant le gène CTX-M-15 a eu lieu en 2005 à l'hôpital de Béjaïa. L'avènement de bactéries multirésistantes renforcées par des gènes codants situés sur des plasmides transférables pour la résistance à d'autres familles d'antibiotiques conditionne le grand pouvoir de dissémination entre différentes souches bactériennes, de même espèce ou d'espèces différentes, grâce à divers mécanismes de transferts génétiques, tels que la conjugaison bactérienne. «Cette tendance à la hausse de la résistance combinée signifie que pour les patients qui sont infectés par ces bactéries mulitirésistantes aux antibiotiques ‘‘BMR'', seules quelques options thérapeutiques restent disponibles, parmi celles-ci, les carbapénèmes, une classe d'antibiotiques de dernier recours, bien que plusieurs gènes codants pour les carbapénèmases aient été décrits chez l'espèce de K. pneumoniae», note la docteur, qui souligne la découverte d'un nouveau type de carbapénèmase plasmidique chez une espèce de K. pneumoniae en 2008, (la New Delhi métallo-bêta-lactamase 1 (NDM-1)), chez des patients qui revenaient du sous-continent indien. «Ce gène, qui s'est diffusé dans plusieurs types de bactéries à travers le monde, est devenu la préoccupation actuelle des scientifiques car il ne laisse plus d'alternatives thérapeutiques possibles. La propagation internationale des BMR nécessite une stratégie commune et justifie une surveillance spécifique impliquant des ressources financières et intellectuelles importantes», instruit Zineb Belbel qui prône préalablement à cette prise en charge la compréhension des mécanismes génétiques impliqués ainsi que la mise en place de mesures d'hygiènes adaptées pour prévenir ou au moins stopper la transmission dans les hôpitaux. Rappellant que les objectifs de l'étude réalisée par Zineb Belble était de mettre en évidence la prévalence et la diversité génétique des souches de K. pneumoniae « BMR » isolées aux niveaux des hôpitaux de la ville d'Annaba, d'identifier le support génétique de cette résistance, d'étudier les possibilités de transfert des gènes de résistances et la relation clonale entre les souches. «Pour cela, nous avons eu recours a diverses techniques de Biologie Moléculaire, telles que la PCR, le séquençage, la conjugaison bactérienne ainsi qu'au multi-locus sequence typing (MLST) », explique la chercheur. en trems de constat, la docteur informe que le K. pneumoniae subsp. pneumoniae est une espèce isolée dans l'environnement à partir d'échantillons de sol, d'eaux de surface, d'eaux usées, de végétaux, et de muqueuses des mammifères, en particulier de la flore fécale. «Chez l'homme, cette espèce végète sur la peau, les muqueuses, les voies respiratoires supérieures et elle est isolée des selles chez 30 % des individus. Pour ce qui est des infections nosocomiales, le tube digestif des patients hospitalisés et les mains du personnel sont les deux sources principales. Les deux sous-espèces K. pneumoniae subsp. ozaenae et K. pneumoniae subsp. rhinoscleromatis n'ont été isolées qu'en situation pathogène de l'arbre respiratoire de l'homme », instruit-elle. En conclusion, les résultats de l'étude ont permis d'attirer l'attention sur le risque d'émergence et de dissémination de carbapénèmase qui représente «un problème mondial inquiétant et souligne la nécessité d'une surveillance adéquate des souches BMR dans les hôpitaux algériens, en particulier dans les unités de soins intensifs et pédiatriques qui sont le plus souvent associés à un taux élevé de mortalité», conclut la chercheure.