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Face à la baisse des réserves de change, les restrictions d'importation sont-elles la seule solution ? Les défis du gouvernement de Abdelmadjid Tebboune
Ne vendons pas des rêves utopiques à la population algérienne, l'Algérie devant connaître des tensions budgétaires entre 2017 et 2020, avec une extrapolation de sorties de devises (biens-services-transfert légaux de capitaux) d'environ 60 milliards de dollars fin 2017. D'où l'importance d'une gouvernance rénovée, un sacrifice partagé et une réorientation urgente de toute la politique socio-économique s'adaptant aux nouvelles mutations mondiales. 1.- Le 9 juin 2017, dans la matinée, le cours du brent était de 47,65 dollars et le Wight de 45,42 dollars, contrairement aux supputations de certains experts algériens qui ont induit en erreur l'opinion publique, et par là les autorités du pays qui continuaient de vivre dans l'illusion de la rente éternelle. Devant méditer attentivement sur l'expérience négative de l'économie de guerre des années 1991/1993 ayant conduit le pays droit au FMI, un discours de vérité s'impose, autant que le réalisme, loin des injonctions bureaucratiques du passé. L'Algérie est en 2017 et non plus dans les années 1970, la situation économique est constituée de 83% de petits commerces/services, le secteur industriel représentant moins de 5% du produit intérieur brut, (97% de PMI/PME peu innovantes), la sphère informelle accapare plus de 50% de la superficie économique, 97% des recettes en devises directement et indirectement provenant des hydrocarbures. Et surtout, il faut le reconnaître, le manque de vision stratégique d'adaptation alors que le monde est à l'aube de la quatrième révolution économique 2017/2030 et d'importants bouleversements géostratégiques, notamment en Afrique et au Moyen-Orient(1). 2.-Si l'on prend les données de l'ONS pour les quatre premiers mois de 2017, les importations de biens s'établiront environ à 46/47 milliards de dollars. Selon les données du FMI pour 2017, les sorties de devises concernant les services seraient de 10,5 milliards de dollars ( contre 9,9 milliards de dollars en 2016) et entre 3,5 et 4 milliards de dollars de transferts légaux de capitaux (ce montant devant augmenter avec la règle des 51/49, selon le FMI, à 7/8 milliards de dollars 2019/2020), nous donnant au niveau de la balance des paiements, seul document de référence et non la balance commerciale, une sortie extrapolée d'environ 60 milliards de dollars. Or, les entrées de devises varieraient entre 30/32 milliards de dollars si le cours moyen de 2017 s'établit entre 50/52 dollars le baril. Comme impact de la baisse du cours des hydrocarbures, qui sera de longue durée, les prévisions de croissance pour l'Algérie du FMI et de la Banque mondiale en date du 5 juin 2017 pour les années 2017 et 2018 sont inquiétantes, inférieures au taux de croissance démographique. Ce qui ferait passer le taux de chômage officiel de 11% en 2016 à plus de 13% en 2018. Ainsi, la Banque mondiale a ramené ses projections de croissance pour l'Algérie en 2017 à 1,8% contre 2,9% projetés dans son rapport de janvier dernier et pour 2018, la croissance du PIB réel devrait être encore plus faible et s'établir à 1% en baisse de 1,6 point, comparée aux 2,6% anticipés en janvier. Cependant, selon Jean François Dauphin, le chef de mission du FMI, l'Algérie est en capacité de diversifier son économie en engageant des réformes structurelles ambitieuses, qui lui permettraient de sortir progressivement de la dépendance aux hydrocarbures. Et, comme je l'ai souligné depuis de longues années, l'une des tâches qui attend le gouvernement Tebboune est de mettre sur les rails ces réformes par un travail pédagogique, nécessitant un retour à la confiance sans laquelle aucun développement n'est possible en direction de la population. 3.- Le plus important pour le gouvernement sera de faire face à la situation économique et sociale qui devra affronter une crise exceptionnelle avec la chute des cours des hydrocarbures qui sera de longue durée, devant à tout prix approfondir la réforme globale et concilier efficacité économique et la nécessaire cohésion sociale à laquelle je suis profondément attaché. On peut émettre l'hypothèse que c'est l'Etat qui est en retard par rapport à la société qui enfante des règles qui lui permettent de fonctionner. Un modèle de société non porté par des forces politiques, économiques et sociales n'a aucun sens et aucune portée opérationnelle. Il s'agira premièrement d'identifier les différents intervenants dans le processus des réformes économiques, qu'ils soient favorables ou défavorables, qu'ils soient nationaux ou étrangers. Dans une seconde étape, il s'agira de procéder à l'analyse des stratégies qu'ils mettent en œuvre pour soutenir les réformes, les bloquer ou, à défaut, les ralentir, en évaluant les moyens mis au service de ces stratégies. C'est la dernière chance pour l'Algérie : ou elle réussit des réformes structurelles entre 2017/2020, douloureuses à court terme, mais porteuses d'espoir à moyen terme, ou à l'horizon 2019/2020, elle ira inévitablement au FMI avec d'inévitables tensions politiques, sociales et économiques, ce qu'aucun Algérien ne souhaite. 4.-En résumé, le tissu économique étant insignifiant en 2017, une restriction aveugle des importations risque de paralyser toute la machine économique, 70% des besoins des entreprises publiques et privées provenant de l'extérieur avec un taux d'intégration ne dépassant pas 15% et d'aboutir à des tensions sociales. Méditons l'expérience vénézuélienne, une des plus grandes réserves de pétrole au monde en semi-faillite. Méditons également l'expérience roumaine, l'ex-camp communiste ou avec une dette extérieure de zéro, a laissé une économie en ruine. Pour ma part, je suis persuadé que l'Algérie, contrairement à certains qui se livrent à de la sinistrose, recèle d'importantes potentialités pour surmonter la crise multidimensionnelle à laquelle elle est confrontée. Pour cela, il y a urgence de faire preuve d'une volonté politique de changement portée par des forces sociales pour le développement des libertés économiques, sociales et politiques. Dans l'histoire récente de l'Algérie, la question des réformes, qu'elles soient économiques ou politiques, a donné lieu, en raison des enjeux que ces dernières représentent, à l'élaboration de stratégies antagoniques qui œuvrent à la défense et à la promotion de ces dernières ou, au contraire, à leur blocage et, à défaut, à leur perversion ou à leur ralentissement.
Par Dr Abderrahmane Mebtoul Professeur des universités, expert international [email protected]
1) - Conférence du professeur Abderrahmane Mebtoul à l'invitation du Parlement européen (2013) «Le Maghreb face aux enjeux géostratégiques» - direction de l'ouvrage collectif avec le Dr Camille Sari, assisté de 36 experts internationaux (2 volumes 1080 pages - édition l'Harmattan Paris 2015) - conférence direction générale Sûreté nationale, école supérieure de police Alger, mai 2015 «Mutations mondiales, chute des cours du pétrole et impacts sur les équilibres macro-économiques et macro-sociaux» - le même thème, mai 2016 à l'Ecole supérieure d'administration de la 2e Région militaire - Oran - interview quotidien américain en anglais - 28/12/2016- American Herald Tribune (20 pages) : «Bilan de l'économie algérienne et perspectives : toute déstabilisation de l'Algérie aurait des répercussions géostratégiques sur l'espace méditerranéen et africain».