Les Français se gardaient hier de faire le moindre commentaire sur la situation militaire au Tchad où la rébellion vient de lancer de nouvelles offensives qui pourraient sonner comme le coup de grâce qui serait porté à un régime déjà fortement déstabilisé après les premières attaques, mais qui a aussi cette particularité de combattre une opposition née en son sein après l'avoir suscitée. Une remarque qui intervient comme une précision préalable, puisque le Tchad tout comme le Centrafrique voisin, accuse le Soudan l'autre voisin. La France donc s'est contentée d'indiquer que la mission de son bataillon présent au Tchad dans le cadre d'accord de défense dit mutuel était inchangée. Une bien importante déclaration après les accusations du printemps dernier selon lesquelles la France avait mis à la disposition du gouvernement en place son système de surveillance aérienne, déterminant en temps de guerre pour localiser l'adversaire. Un mois après une première série de raids sans lendemain, les rebelles tchadiens de l'Union des forces pour la démocratie et le développement (UFDD) ont repris hier l'offensive contre le régime du président Idriss Deby Itno en attaquant la ville d'Abéché, dans l'est du pays. Une colonne de 80 véhicules de l'UFDD s'est heurtée hier au lever du jour à l'armée gouvernementale autour d'Abéché, la principale ville de l'est du pays située à 700 km à l'est de N'Djamena. Lors des violents combats qui ont suivi, des éléments rebelles sont entrés dans la matinée dans Abéché, a-t-on appris auprès des rebelles et de source officielle. Des affrontements se poursuivaient en journée tout autour de la ville et l'issue de la bataille restait indécise, selon des sources militaires concordantes. Le général Mahamat Nouri a affirmé que ses troupes avaient pris le contrôle d'une bonne partie de la ville. « Je suis depuis ce matin à 7h30 dans la ville, mes hommes sont entrés dans Abéché (...) Nous contrôlons une bonne partie de la ville. Les combats se poursuivent tout autour », a-t-il déclaré. Une source gouvernementale à N'Djamena a confirmé que des rebelles avaient effectivement pris position dans Abéché et que des affrontements à l'arme lourde se poursuivaient dans ses alentours. « La situation est confuse », a commenté cette source. « Ce n'est que quand tous les combats seront terminés que nous saurons si Abéché est tombée aux mains des rebelles ou non », a-t-elle poursuivi. Toutes les communications téléphoniques avec la ville étaient coupées hier matin. Une porte-parole du Haut-commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) à Abéché, Claire Bourgeois, a rapporté que des « tirs à l'arme lourde » étaient entendus dans et autour de la ville, décrivant une situation « confuse ». Fruit de la récente fusion de plusieurs groupes, l'UFDD a repris fin octobre les hostilités contre le régime du président Deby en s'emparant brièvement de Goz Beïda, près de la frontière soudanaise, puis d'Am Timan, à une centaine de kilomètres plus au Sud, avant de se replier vers l'Est. De violents combats avaient opposé la rébellion à l'armée le 29 octobre dans la zone montagneuse d'Hadjer Meram, au sud de Goz Beïda. Ces affrontements s'étaient notamment soldés par la mort du chef d'état-major général adjoint de l'armée tchadienne, le général Moussa Sougui. Comme il y a six mois lors de l'offensive repoussée du Front uni pour le changement (Fuc) devant N'Djamena, le Tchad a accusé le Soudan de soutenir l'UFDD, ce que Khartoum a catégoriquement nié. La nouvelle offensive de l'UFDD a provoqué la suspension vendredi des activités des organisations humanitaires présentes dans l'est du Tchad pour y assister les réfugiés de la province soudanaise du Darfour. Cette offensive se poursuivra-t-elle, ou bien alors connaîtra-t-elle le sort de celles qui l'ont précédée ? Le président Deby, lui-même ancien chef de guerre, a fait le consensus contre lui. Cette fois, ce sont ses proches qui le combattent.