L'offensive militaire de la rébellion du Front uni pour le changement (Fuc) contre le régime du président tchadien Idriss Deby est en passe de sortir de son cadre de conflit interne au Tchad pour prendre par petites touches une dimension franco-tchadienne. L'implication des forces françaises, qui ont reconnu avoir convoyé des troupes gouvernementales au moyen d'avions de transport de l'armée française vers les zones de combat, a été vivement dénoncée par la rébellion tchadienne qui accuse Paris de parti pris en faveur du régime en place. La France s'en défend, expliquant que son intervention est limitée à l'appui logistique et aux missions de renseignement au profit du régime tchadien et à sa demande, et cela en vertu de l'accord de coopération militaire conclu en 1976 entre les deux pays. « Les troupes françaises qui sont à N'Djamena ont complètement pilonné nos positions », accuse le FUC. Le ministère français de la Défense a formellement démenti, jeudi, toute implication militaire sur le théâtre des opérations, tout en reconnaissant avoir effectué un « tir de semonce », mercredi, sur une colonne qui se dirigeait vers la capitale. « S'ils ont déjà fait une sommation, cela veut dire qu'ils sont impliqués », a estimé le porte-parole du Fuc, en appelant à la « neutralité » de Paris dans « ce problème tchado-tchadien ». Paris déploie au Tchad, dans le cadre du dispositif Epervier, mis en place en 1986, une force militaire forte de quelque 1200 militaires français appuyés par un escadron de six chasseurs Mirage FI. Une compagnie de 150 hommes basée au Gabon vient d'être envoyée en renfort. Dans un pays comme le Tchad, où le sous-développement militaire est proportionnel au sous-développement économique, le dispositif français au Tchad apparaît comme une véritable armée de combat au service du régime en place. Paris jure qu'elle n'est présente au Tchad que par souci de la stabilité de ce pays et pour protéger les 1500 ressortissants français établis dans ce pays. La position géostratégique du Tchad et la récente découverte du pétrole dans ce pays en font une place stratégique de premier plan pour les intérêts français dans la région. L'évolution du conflit pourrait ainsi amener les forces françaises à s'impliquer directement dans le conflit en engageant ses forces dans les combats aux côtés des forces gouvernementales. N'étant pas une force d'interposition acceptée par tous les belligérants, la présence des forces françaises au Tchad pourrait, à la faveur de ce conflit, connaître les mêmes développements que ceux vécus dans d'autres conflits : en Côte d'Ivoire, en Centrafrique, au Gabon où les troupes françaises ont été combattues par les mouvements de rébellion de ces pays comme des forces ennemies. Il est significatif, par ailleurs, que l'Organisation internationale de la francophonie (OIF) condamne, dans un communiqué rendu public hier, la « tentative de coup d'Etat contre le président Idriss Deby » et ne souffle mot sur la présence française dans ce conflit, qui ne fait pourtant pas consensus dans le pays.