Le Comité des Nations unies contre la torture a récolté assez de preuves pour accabler les autorités russes sur les violations répétées des droits humains en Tchétchénie. Lors d'une conférence de presse tenue à Genève, le Comité des Nations unies contre la torture a fait état de témoignages concordants sur l'usage répandu de la torture en Russie, notamment dans des centres de détention secrets en Tchétchénie. Ce rapport sort, alors que le Kremlin est empêtré dans l'affaire Alexandre Litvinenko. L'ex-espion du KGB est la troisième victime, après la journaliste Anna Politkovskaïa et le général Anatoli Trofimov, vice-patron du FSB. Sale temps pour Moscou qui doit aujourd'hui rendre des comptes aussi sur sa barbarie en Tchétchénie. Le comité des Nations unies invite d'urgence le régime de Vladimir Poutine à mener sa propre enquête sur la torture à Grozny, à poursuivre tous les auteurs présumés de torture, y compris en ce qui concerne le bizutage au sein de l'armée russe, et à rendre compte de ces procédures dans un an. Pas facile de faire passer le message à Poutine, le rapporteur spécial de l'ONU sur la torture, Manfred Nowak, a renoncé début octobre à une visite en Russie, notamment en Tchétchénie, les autorités russes ayant refusé sa demande de s'entretenir en privé avec des détenus. Evoquant un « usage répandu de la torture » en Russie, le Comité des Nations unies composé d'experts indépendants fait part de son inquiétude sur les accusations particulièrement nombreuses, persistantes et concordantes au sujet d'actes de torture et d'autres traitements cruels, inhumains et dégradants commis par les agents des forces de l'ordre russe, y compris dans les cellules des commissariats. Le rapport, preuves à l'appui, mentionne aussi de nombreux enlèvements ou disparitions en Tchétchénie, essentiellement au cours d'opérations sécuritaires ainsi que l'usage répandu de l'arrestation de parents de suspects. L'enquête de l'ONU corrobore les informations de plusieurs organisations à Grozny. Depuis le début de l'année, l'ONG russe Memorial a enregistré 143 cas d'enlèvements : 54 personnes sont portées disparues, les corps de huit personnes ont été retrouvés avec des traces de tortures, souligne le rapport. Entre 2002 et 2005, Memorial, dont le travail ne porte que sur 25 à 30 % du territoire tchétchène, a répertorié 1804 cas d'enlèvements parmi lesquels 986 disparus et 181 morts dont les corps ont été retrouvés. « Les circonstances de ces enlèvements - l'utilisation de blindés ou de véhicules militaires, leur passage sans problème par les postes de contrôle - suggère l'implication des forces fédérales ou des unités tchétchènes pro-russes », souligne le rapport. Le texte dénonce également les arrestations arbitraires par les forces russes et tchétchènes pro-russes, les tortures pour obtenir « des aveux ». Le Comité des Nations unies contre la torture évoque d'autres rapports fiables au sujet de centres de détention officieux dans le Nord-Caucase et les accusations selon lesquelles les personnes détenues dans ces installations subissent un traitement cruel, inhumain ou dégradant. Des pratiques de tortures qui dépassent toute imagination. L'organisation de défense des droits de l'homme Amnesty International (AI) a dénoncé mercredi dernier dans un rapport publié à Londres la torture et les mauvais traitements pratiqués en Russie par la police. Selon AI, la pratique de la torture « est encore plus élevée » dans le Caucase du Nord, dont fait partie la Tchétchénie.