Amnesty International a sévèrement critiqué hier un nouvel ordre mondial “plein de dangers”, dénonçant notamment l'attitude de Washington accusé de “duplicité” en cherchant à contourner l'interdiction de la torture. “On est en train de mettre en place une nouvelle politique qui utilise la rhétorique de la liberté et de la justice pour faire régner la peur et l'insécurité”, a accusé Irene Khan, secrétaire générale d'Amnesty, organisation de défense des droits humains basée à Londres, en évoquant la guerre menée contre le terrorisme. “Et certains cherchent, avec un cynisme parfait, à imposer une nouvelle définition, édulcorée, de la torture”, afin de pouvoir s'affranchir de l'interdiction totale visant actuellement cette technique d'interrogatoire, a-t-elle souligné, visant directement les Etats-Unis. “Un énorme fossé sépare les discours de la réalité”, a accusé Amnesty, dans son rapport de 308 pages qui détaille les violations des droits de l'Homme dans 131 pays. L'ONG a ainsi souligné comment les autorités américaines se drapent dans les idéaux de “justice et de liberté” alors que dans le même temps plusieurs de ses soldats ont été accusés de torture et de mauvais traitements, que ce soit dans la prison irakienne d'Abou Ghraïb ou à Guantanamo (Cuba). Le tout sans “enquête approfondie et indépendante”. “Quand le pays le plus puissant de la planète foule aux pieds la primauté de la loi et les droits humains, il autorise les autres à enfreindre les règles sans vergogne”, a accusé Irene Khan, qualifiant la base américaine à Cuba de “goulag de notre époque”. Amnesty a de même souligné les “grands efforts” déployés par Washington pour “redéfinir” la notion de torture définie par les conventions de Genève. Le Pentagone, a souligné l'ONG, a ainsi tenté de justifier ses techniques d'interrogatoire musclées en les requalifiant de “manipulation environnementale” ou de “manipulation sensorielle”. Mais les Etats-Unis ne sont pas les seuls à être visés dans le rapport 2005 d'Amnesty pour “avoir montré un mépris effarant de l'Etat de droit”. Ce document rappelle par exemple comment Israël a érigé un mur à l'intérieur de la Cisjordanie, contre l'avis de la Cour internationale de justice. Véritable catalogue des horreurs, le rapport d'Amnesty accuse également des soldats russes d'avoir violé et torturé des femmes tchétchènes, “en toute impunité”. En République démocratique du Congo, “rien n'a été fait pour tenter de mettre un terme aux viols systématiques dont ont été victimes des dizaines de milliers de femmes et d'enfants”. L'Afghanistan, malgré la tenue d'élections, s'est enfoncé dans l'anarchie et l'instabilité. Quant à l'Irak, il est toujours “en proie à une violence endémique”. La communauté internationale, elle, a été accusée une fois de plus pour sa lenteur ou son incapacité à agir, notamment dans la province soudanaise du Darfour. “Aujourd'hui, l'Onu ne semble ni vouloir ni pouvoir exiger des comptes de ses Etats membres”, a regretté Irene Khan. Au sein des Nations unies, “les droits humains font l'objet de marchandages entre maquignons” et dans une économie de plus en plus mondialisée, “ce sont de plus en plus les grandes entreprises, les institutions financières et les accords commerciaux internationaux qui fixent les règles”, a regretté Mme Khan.