À la veille du procès du défenseur sahraoui des droits humains Yahya Mohamed El Hafed devant la Cour d'appel d'Agadir, Amnesty International sollicite la tenue dans les meilleurs délais d'une enquête exhaustive sur les allégations de torture qui ont marqué son procès en première instance. Plus particulièrement, elle demande que les déclarations entachées d'allégations de torture n'ayant pas fait l'objet d'investigations ne soient pas prises en compte. L'organisation redoute que Yahya Mohamed El Hafed ait été condamné parce qu'il défend les droits humains et soutient publiquement le droit à l'autodétermination du peuple du Sahara occidental. Elle craint qu'il ne s'agisse d'un prisonnier d'opinion incarcéré uniquement pour avoir exprimé ses idées. Il est membre du Collectif des défenseurs sahraouis des droits de l'homme (Codesa) et de la section de Tan-Tan de l'Association marocaine des droits humains (AMDH). Le Codesa n'a pas pu tenir son congrès fondateur le 7 octobre 2007, les autorités locales de Laayoune ayant rejeté la demande d'autorisation pour une réunion publique déposée par ses membres. Yahya Mohamed El Hafed, actuellement en grève de la faim, a été condamné à une peine d'emprisonnement de quinze ans le 9 octobre 2008, à la suite de manifestations organisées à Tan-Tan contre l'administration marocaine au Sahara occidental. Huit autres accusés jugés dans le cadre de la même affaire ont été condamnés à des peines d'emprisonnement allant jusqu'à quatre ans. Yahya Mohamed El Hafed a été arrêté le 29 février 2008 dans sa boutique, à Tan-Tan. Une fois conduit au siège de la police judiciaire de la ville, il aurait été torturé afin de lui extorquer des “aveux” qui ont fondé son inculpation ultérieure. Il a été appréhendé deux jours après les manifestations organisées à Tan-Tan par des Sahraouis qui revendiquaient le droit à l'autodétermination du peuple du Sahara occidental, au cours desquelles un policier a été blessé, avant de décéder par la suite. Amnesty International ne cautionne aucun acte de violence. Une enquête indépendante et impartiale doit être menée afin d'identifier les auteurs présumés, qui doivent être jugés dans le cadre d'un procès équitable – à savoir d'une procédure qui déclare irrecevables les éléments de preuve ou les déclarations extorqués sous la torture ou les mauvais traitements. Yahya Mohamed El Hafed a affirmé qu'il n'avait pas participé à ces manifestations, ce qu'ont corroboré des témoignages produits par ses avocats. En outre, aucun élément attestant de sa présence lors de ces rassemblements n'a été présenté au tribunal, y compris par les témoins à charge. Tous les accusés ont déclaré qu'ils avaient été torturés, et notamment battus, pendus par les pieds et privés de sommeil, au cours de leurs interrogatoires, dans le but de les contraindre à signer des “aveux”. À l'instar du juge d'instruction, le juge a ignoré ces allégations. Amnesty International rappelle que, selon l'article 15 de la Convention des Nations unies contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, auquel le Maroc est partie, “toute déclaration dont il est établi qu'elle a été obtenue par la torture ne [peut] être invoquée comme un élément de preuve dans une procédure”. Dans le droit fil de leurs obligations internationales, les autorités marocaines, qui ont remis leur rapport sur la mise en œuvre de la Convention contre la torture au comité des Nations unies chargé de veiller à son application en avril 2009, doivent faire en sorte que toute allégation de torture fasse l'objet d'investigations impartiales dans les meilleurs délais.