Le Conseil national des enseignants du supérieur (CNES) vient de braver l'omerta qui sévit depuis fort longtemps à l'université de Tébessa en interpellant, dans une lettre adressée au ministre de l'Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique, Tahar Hadjar, afin d'intervenir et de dépêcher une commission d'enquête pour mettre la lumière sur certaines pratiques jugées mafieuses de l'administration de l'université, notamment le vice-recteur chargé de la pédagogie. Le syndicat accuse en effet l'administration d'user de «clientélisme et de favoritisme» et d'être derrière le climat malsain qui règne parmi les corps enseignant et étudiant. Ces universitaires, membres du bureau du CNES de Tébessa, crient au scandale, après avoir découvert qu'un étudiant qui postulait en double cursus n'a pas été exclu comme le stipule le règlement appliqué par ailleurs pour beaucoup d'autres étudiants. «Au moment où le vice-recteur annule les inscriptions de dizaines d'étudiants qui attendaient leur diplôme, sous prétexte de découverte d'erreurs dans les dossiers d'inscriptions acceptés pourtant voilà deux ans par le même responsable, au même moment ce vice-recteur ferme les yeux sur d'autres double-inscriptions dans deux filières différentes en violation de l'article 10 de l'arrêté 712, qui souligne l'interdiction faite aux étudiants d'avoir plus d'une inscription universitaire au niveau national». Et au syndicat de citer, sans le nommer, le cas d'un «‘‘homme d'affaires proche de l'administration'' qui a non seulement bénéficié d'une faveur interdite par la loi, mais qui serait aussi l'auteur de prouesses remarquables. Selon le même document, ce dernier a obtenu 17 de moyenne dans les deux spécialités pour la même année universitaire, et de s'interroger sur la réalité de ces notes, sachant que les examens ont lieu en même temps !», lit-on dans cette lettre dont El Watan étudiant détient une copie. Colères La double inscription de cet étudiant, un richissime commerçant originaire de Bir El Ater, serait le fait de la plus haute autorité de l'université de Tébessa. Les procès-verbaux des délibérations remis à notre rédaction montrent bien que l'étudiant B.B., qui a soutenu au mois de mai dernier une licence en histoire est inscrit également en master droit. Cette affaire a provoqué également l'ire des étudiants. L'un d'eux, qui a souhaité garder l'anonymat, a révélé ses déboires. «A la fin de mai dernier j'ai été exclu avec une soixantaine d'autres pour cause de double inscription, alors que l'homme d'affaires Bouamara, et parce qu'il est l'ami du recteur et qu'il lui prêtait souvent main-forte, n'a pas été du tout dérangé !» Le dénommé B.B., que l'on nomme Morjane Ahmed Morjane, personnage du film égyptien qui porte le même nom montrant la puissance de l'argent et comment tout peut s'acheter, ne s'est pas contenté de cela. Il est allé très loin, se mêlant trop des affaires de l'université, comme le recrutement, les inscriptions des étudiants en master ou en doctorat et autres, a fait savoir l'un des syndicalistes. «Devant les dépassements de ces deux responsables, prétendant être les mieux placés et qui agissent d'une manière unilatérale dans la gestion de l'université, il faut imaginer l'amertume des enseignants qui travaillent dur, mais pour rien, et que l'on bafoue ouvertement et s'ils ne sont pas aux ordres c'est la petite bête qui les attend», a-t-il dénoncé. Pour mettre les choses au clair, nous avons contacté le recteur de l'université de Tébessa, le professeur Fekra, qui n'a pas nié l'existence d'un tel cas. A ce sujet il nous répondra : «L'université de Tébessa comptabilise plus de 30 000 étudiants. Par manque de logiciel qui filtre ce genre de pratique, il arrive qu'un cas nous échappe, mais si cette double inscription s'avère vraie, la réglementation va être appliquée en vertu des lois en vigueur.» Pour sa part, Kara Mohamed, vice-recteur chargé de la pédagogie, nous dira à ce propos : «Vu mon poste, tous les étudiants sont des amis au recteur et à moi, concernant la double inscription de l'étudiant en question mon service va diligenter immédiatement une enquête et si ça se confirme, je le convoquerai à mon bureau pour terminer les formalités et il sera exclu».