Les augmentations de salaires qui ont touché tous les secteurs d'activités n'ont apparemment pas satisfait les collectifs de travailleurs qui estiment que les niveaux sont faibles parce qu'ils n'ont pas été corrélés au coût de la vie et donc sans trop d'effet sur le pouvoir d'achat. Ils préfèrent parler de rattrapage salarial au lieu d'augmentation. Ce qui est certain, c'est que l'incidence de ces variations de salaires sur les finances publiques est très importante même si elle reste soutenable dans la situation d'aisance actuelle, en termes de dépenses. Bravant les recommandations des institutions financières internationales qui ne voient pas d'un bon œil cette dépense additionnelle non liée à des gains de productivité et donc injustifiée de leur point de vue, les autorités décident en toute souveraineté d'améliorer le quotidien des Algériens en gratifiant leur portefeuille de quelques sous en plus. Dans un tel contexte, il apparaît que l'effort fourni par les pouvoirs publics et les opérateurs privés marque un progrès certain dans la politique salariale qui sera sous-tendue par la mesure des indicateurs de gestion. Il est de plus en plus question de performance et de qualité. L'efficacité d'une politique salariale au-delà de ses conséquences macroéconomiques en termes de freinage de l'inflation, réside dans sa capacité à inciter les agents à faire plus de sacrifices pour rendre meilleures les prestations en direction des consommateurs. La productivité mesurera les prouesses réalisées dans les secteurs marchands et pourrait en toute logique conditionner le tripotage des salaires. Le problème se pose différemment pour les salariés de l'administration, c'est-à-dire ceux qui ont la charge de faire fonctionner les services publics. Faut-il alors considérer les consommateurs de ces services (éducation, santé, justice, hygiène, sécurité…) comme des usagers ou des clients ? Le citoyen est un usager du service public, non un client parce que par essence, le service public n'a pas été intégré à l'origine parmi les activités lucratives. Ce qui signifie que le citoyen ne peut pas simplement acheter un bien ou un service fini. Il participe avec l'agent public à la production de ce service. Il en est ainsi des activités non marchandes qui relèvent des missions de l'Etat. Les choses ont évolué et le service public est en passe de devenir marchand, fonctionnant au coût. En attendant que le service public de la justice ou de l'éducation soit astreint à des critères de rentabilité, il faut convenir par exemple que le plaignant et le magistrat participent tous deux à la production de la justice. Le malade et le médecin contribuent à maintenir la santé. L'agent de sécurité et le citoyen collaborent au maintien de l'ordre… Juger la performance du fonctionnaire, c'est donc juger d'un même mouvement celle des usagers en général, mais aussi de chaque usager particulier. La distinction n'est pas opératoire, il s'agit bien d'une coproduction, d'un travail en commun où la productivité de l'un dépend de celle de l'autre. Les juges le savent aussi, car la facilité à juger une affaire dépend de la collaboration des avocats, des plaignants ou de la victime. L'amélioration de la qualité de service ne se mesure pas uniquement par le bon accueil ou la propreté des lieux. Elle s'apprécie de nos jours beaucoup plus par le délai de réaction qu'observe l'agent pour faire ou ne pas faire un acte ou le temps qui est mis pour effectuer une prestation en direction des usagers. Ces deux éléments constituent des indicateurs objectifs pour mesurer la productivité dans le secteur public et rassurer les contribuables quant à la bonne utilisation des ressources fiscales par l'Etat. Le salaire des agents publics, plus qu'un stimulant, est nécessairement la contrepartie d'une performance qui doit se traduire par plus d'affaires bien traitées, moins d'agressions, plus de malades soignés, plus de réussite aux examens, moins d'attente aux guichets, etc. La modernisation des services publics commence à donner des résultats qui justifient dans une certaine mesure les augmentations de salaires décidées dans la fonction publique. Si on prend par exemple le secteur de la justice, force est de reconnaître qu'un grand progrès a été accompli puisque la productivité en termes de performances s'est beaucoup améliorée à telle enseigne que les délais d'obtention des décisions de justice ont été écourtés et que les affaires inscrites au rôle ne traînent plus. Ces avancées doivent bien évidemment être accompagnées par des progrès qualitatifs dans la gestion des services publics. Le quantitatif ne suffit pas à lui seul parce que maintenant le diable est dans la qualité.