Postulat de départ : sauf obligation, l'Algérien (…) ne pense pas ou très peu " assurance ". Qu'est-ce qui peut donc expliquer un tel comportement ? Plusieurs explications possibles, fortement corrélées. Parmi elles… 1°/ La négation du risque … contre le risque de s'assurer Globalement, la notion de risque est perçue comme un tabou. Sur un plan strictement psychologique, on peut facilement l'admettre : risque rime avec danger et, par dérive, avec malheur. Une notion dont la seule évocation fait peur. Une peur que beaucoup neutralisent d'une manière singulière : éviter d'en parler. C'est un peu, comme si à vouloir trop évoquer le loup, celui-ci risque de surgir. Une attitude qui consiste en somme à éluder. Ou, pour emprunter une expression au registre informatique : cliquer sur ignorer. Autre traduction possible : évacuer la perspective d'un malheur (ensehh, yensek…) en l'ignorant tout simplement. Il faut reconnaître que cette démarche est d'autant plus efficace que l'esprit est soumis à trop de turbulences quotidiennes, envahi par d'autres soucis. Un encombrement qui laisse peu de place à des questions de fond tel que penser à se prémunir contre des risques éventuels, latents, éminents. Bref, il s'agit d'une réaction qui consiste à solutionner un problème par l'abstraction de celui ci, par son déni. Tout se passerait approximativement comme suit : éviter de penser risques (forte connotation négative) et ce faisant pourquoi songer à leur couverture ? 2°/ Heurts et malheurs…mais ce n'est pas l'heure pour soi L'attitude est une attitude d'évitement. L'expression tout à fait Algérienne l'exprime bien : " Khélina… " .Une assurance de substitution et, de surcroît, gratuite : au lieu de s'assurer, il suffit de se rassurer .Peu importe évidemment la méthode ou le procédé. Et puis ne dit-on pas que l'illusion fait vivre ? D'où pourrait provenir cette pensée quasi réflexe chez une forte proportion d'individus ? Là aussi, la dimension psychologique est indéniable. Humainement, quelque chose de négatif n'est jamais souhaitable du moins pour … soi même. Le fait qu'un danger puisse affecter quelqu'un d'autre relève de l'admissible. Instinct de survie oblige … Dans cette configuration tout se passe comme si la perspective d'un malheur ne peut concerner que les autres, pas soi. L'individu se fabrique une certitude qui évidemment n'en est pas une. En effet, nul n'est à l'abri de… dès les premiers instants de la vie. La preuve ? Si tout un chacun lutte pour la… survie… c'est qu'à tout moment et en tout lieu il y a menace, danger. Retour à la seule question qui intéresse ici : le fait de supposer que le risque jette son dévolu sur les autres amène à réagir ainsi : n'étant pas concerné, pourquoi alors penser assurance… L'expression dialectale " baîid char " est quelque part révélatrice de cette façon de penser selon laquelle seul autrui pourrait se retrouver confronté à un malheur (connaître un sinistre). 3°/ Comment anticiper l'imprévisible… lorsque l'essentiel est souvent invisible Risque rime avec incertitude. Il ne faut pas plus pour accroître l'inconfort chez l'individu lamda. L'absence de visibilité ne concerne pas en fait que les experts en stratégie ou les investisseurs. Tout un chacun vit et donc ressent ce malaise : l'impossibilité " d'entrevoir les choses " à un horizon raisonnable. Et pour l'individu lamda, cet horizon ne va que rarement au-delà de demain, au sens propre de l'expression. L'individu lamda se dira en conséquence : puisque j'ignore ce qui va survenir au-delà de l'instant présent, pourquoi dois-je m'y préparer ? Et s'il fallait le faire, encore faudrait-il justement connaître ce qui va arriver. Face à cette impossibilité, l'attitude humaine est bien souvent expéditive et s'assimile à une réaction du genre " Pourquoi tenter de percer les secrets des dieux ". Au-delà de ce qui pourrait constituer en soi un sacrilège, l'individu admet son incapacité, se résout en quelque sorte à ne s'occuper que de ce qui semble à sa portée puisque encore une fois le futur lui échappe. Comportement de 1a résignation diront certains, de soumission diront d'autres mais, en tout état de cause, renoncement aux tentatives d'essayer de maîtriser un tant soit peu les aléas de la vie par le recours à des procédés de couverture comme l'assurance… 4°/ Penser assurance : encore faudrait-il avoir de l'espérance… Pour des initiés, les deux thématiques (assurance, avenir) sont liées. Pour les profanes et surtout l'individu lamda, la question portant sur cette relation est sans objet, n'est même pas à soulever. Pourquoi ? Tout simplement parce que l'un des termes ou des composantes de la relation est absent : l'avenir. Inexistence de perspectives donc inutilité des questionnements qui s'y rattachent. Des interrogations du genre " Si je pense être là demain, qu'est ce qui pourrait survenir de fâcheux et qu'en prolongement, il convient de s'en protéger ? " Le défaut d'horizon ou l'absence de projection ne favorise guère la réflexion puis la décision de mesures à prendre en cas de, au cas où… En somme, tout se passe comme s'il ne subsisterait qu'une seule dimension temporelle : le présent et, pire, dans ce présent, ne se préoccuper que de l'instant, n'agir et de ne réagir qu'au coup pour coup, c'est-à-dire finalement qu'au besoin, que face à une concrète et réelle nécessité. Or dans cette optique, l'assurance ne constitue pas un impératif vital, une urgence du moment puisque par définition une prestation de cette nature n'acquiert un bien-fondé, une raison d'être qu'a posteriori. C'est pour cela aussi que l'individu lamda ne songera en fin de compte à une assurance de type facultatif que lors d'une confrontation " in concreto " à un sinistre. Une sorte de prise de conscience " factuelle " puisque générée par un événement donc des circonstances bien précises. Un événement qui l'aura concerné soit directement (en personne) soit ayant affecté un proche (proximité parentale et/ou spaciale). Cette prise de conscience opérée pourtant à l'épreuve des faits se métamorphose rapidement et paradoxalement en un éveil momentané, ponctuel. Le rapport mental à l'assurance n'aura donc pas fondamentalement changé. Une autre pseudo conviction s'écroule ; l'expérience ne sert pas toujours ou qu'une personne avertie ne vaille pas toujours deux… Pour l'individu lamda, un autre mythe s'écroule sous le poids de nombre de contingences courantes et vitales à la fois et qui constitue son lot quotidien. Cet autre mythe : " Vivre au jour le jour ". Pour beaucoup et dans le contexte actuel, il s'agit d'une gageure, une performance qui en tant que telle n'est pas à la portée de quiconque. Pour l'individu lamda, l'expression est devenue caduque car la réalité l'invite à un autre constat, à un autre défi dont l'horizon équivaut désormais à la matinée (quant à l'après-midi on verra). Et concernant demain, soulagement, l'espace de projection n'existe plus ou alors y penser au réveil et dans ce cas y songer parce que demain c'est aujourd'hui… Enfin, et pour peu que l'individu lamda par éducation ou par culture, ait tendance à se noyer dans un verre d'eau (allusion à sa multitude de tracasseries quotidiennes), son incapacité à faire le tri l'éloigne encore plus des questions intrinsèquement liées à " demain " : ne sachant de quoi celui-ci sera fait, certaines précautions doivent être (normalement) envisagées .Problématique sous jacente : souscription de certaines assurances… même non obligatoires. Encombré, accablé, dépassé, l'individu lamda maintenant résigné aura plutôt tendance à réagir ainsi : advienne que pourra ! L'expression populaire ahyenni, egtelni …résume cet état d'esprit. Expression équivalente mais non porteuse de la même charge sémantique : " à chaque jour suffit sa peine ". 5°/ L'alibi à la non assurance : la finance ? Une question récurrente soulevée " en silence " face à chaque dépense : ressource suffisante ? Sciemment, faisons le choix de passer sur cette notion toute relative de la suffisance ou pas d'un certain pouvoir d'achat … Droit au but : l'individu lamda, lui aussi faute de ressources suffisantes, se retrouve forcément confronté également à la difficile problématique de leur affection. La dure réalité quotidienne du citoyen lamda va prendre (et non reprendre car attitude quasi constante) le dessus lors de la détermination pour ainsi dire des priorités ; d'abord le lait, le pain,…Primat ou quotidien et surtout au biologique (comprendre biologie et non le label). Normal pour tout mortel, ceci expliquant cela. Tout un chacun est imprégné de ce fait, de cette vérité pour une fois absolue et sans attendre les réflexions d'A.Maslow sur la classification des besoins. La ressource va donc être prioritairement destinée à la couverture du besoin de survie .D'une certaine manière c'est faire face à l'urgence. Précisément : pour le citoyen lamda, assurance rime bien avec urgence mais pour la rime seulement. Par rapport au vécu, on peut vivre sans souscrire d'assurance, si l'on se limite évidemment à penser en termes de survie biologique. En prolongeant ce raisonnement, les prestations d'assurances deviennent secondaires tout comme le suggère d'ailleurs la hiérarchisation d'A.Maslow. Comportement induit chez l'individu lamda : essayer de faire face d'abord à … puis… Si, encore une fois sans jeu de mots, il peut puiser. Renvoi donc à la notion de reste, de résidu … en termes de ressources. Si résidu il y a (si le pouvoir d'achat le permet), il serait possible de penser à autre chose .Mais serait-ce l'assurance ? Rien n'est moins sûr pour l'individu lamda.A défaut de résidu, ce dernier aura toujours la liberté de penser qu'à l'impossible nul n'est tenu ? D'autant plus que, transposition opportune, à une assurance facultative, nul n'est aussi tenu … Que penser finalement du comportement de l'individu lamda à l'égard de l'assurance ? Face aux besoins dit incompressibles (lait, pain,…) il compte sur son porte monnaie. Il appréciera la couverture de ces premiers et primaires besoins en fonction du volume de liquidités physiquement et de plus en plus virtuellement (crédit) disponible. Face à l'incertitude des lendemains (sphère privilégiée des activités de couverture des risques), l'individu lamda s'en remet à quelque chose de même consonance : la baraka … .Il faut espérer pour lui une certaine clémence, pour lui mais pour nous aussi, car en fait nous sommes tous plus ou moins " un peu lamda " Et pardon d'avoir pris la liberté de vous y associer … l'auteur est : Consultant en Marketing & communication Diplômé de l'I.A.E de Lille et de l'université Paris Dauphine. e-mail : [email protected]