C'est un fait acquis de longue date. Les cent firmes les plus riches du monde sont beaucoup plus puissantes que les 150 Etats les moins développés de la terre. La mondialisation n'a fait que consolider cet avantage ces dernières années. Le modèle de cette domination s'est progressivement transplanté dans des secteurs d'activité globalisés. Un network planétaire d'information pèse plus lourd qu'un ministère de l'Information national et un label de musique mondial est plus influent qu'un budget de la culture. Ce paradigme « de prime au plus riche » est une nouvelle réalité dans la filière du sport spectacle. La FIFA vient de suspendre l'Iran de toute activité internationale pour cause d'ingérence du pouvoir politique dans le fonctionnement de la fédération nationale. Il y a quelques jours l'IAAF – l'ONU de l'athlétisme international – en a fait de même, et pour les mêmes causes, avec l'Algérie. L'Iran sera obligé de rétablir le principe de l'autonomie de sa fédération de football et, il y a fort à parier, l'Algérie fera de même avec celle de sa fédération nationale d'athlétisme. Une simple question de temps et de commodités. Mais qu'est-ce qui rend si puissantes les instances internationales du sport ? Les fédérations internationales ont certes le pouvoir considérable d'éliminer un pavillon national de la scène planétaire du sport spectacle. Mais cette capacité virtuelle existait déjà depuis longtemps entre leurs mains sans qu'elles ne l'exercent aussi ostentatoirement. Ce qui a fondamentalement changé c'est la taille de l'enjeu financier que représente aujourd'hui le contrôle du chiffre d'affaires d'une discipline sportive et, ce qui va avec, la possibilité de défendre cette cash machine en détenant la carte d'accès aux grands évènements sportifs mondiaux. Le principe de l'autonomie des associations civiles que sont les fédérations nationales est certes intéressant. Il est la digue complaisante dressée pour permettre l'autonomisation d'un pouvoir d'entreprise multinationale autonome des Etats à la tête d'un business – le sport spectacle- au potentiel de croissance le plus fort de la planète devant le tourisme et le commerce sur internet. On peut être pour ou contre cette naissance d'entreprises mondiales vendeuses du spectacle football (FIFA), des rendez-vous d'athlétisme (IAAF) ou du pèlerinage olympique (CIO). Il faut juste avoir à l'esprit le modèle économique de ce processus et le rapport de force qu'il dépeint. L'influence politique des gouvernements sur leur sport d'élite est proportionnelle aux subsides qu'ils y mettent. La puissance des fédérations internationales carbure, elle, aux budgets des sponsors et des droits de télévision. Or, dans les sports les plus exposés médiatiquement, la part de l'argent public va historiquement en diminuant face à celle des sponsors et des télévisions pour ne pas citer celui qui provient des produits dérivés et de la publicité. Conséquence spectaculaire de cette baisse tendancielle de l'apport public dans le football l'avènement, promis à ce généraliser, des clubs de football sur les places boursières. Les fédérations internationales, le CIO, la FIFA s'enrichissent financièrement de cette dynamique. Ils sanctuarisent leurs business. Le train de vie d'un Joseph Blatter président de la FIFA n'a rien de différent de celui d'un administrateur de multinationale. Les gestionnaires du sport spectacle au niveau mondial ont désormais les moyens financiers et symboliques de faire battre en retraite les Etats qui tenteraient en désignant les fédérations nationales d'influer la composition des staffs des fédérations internationales. De fait, les gouvernements sont réduits –face aux « boards » du sport international- au rôle de petits actionnaires sans droit de vote. Même leurs apports de petits actionnaires paraissent en sursis dans certaines disciplines qui n'auraient presque plus besoin d'argent public. Pour la première fois, la question s'est posée en 2006 dans l'OMC de savoir si les subventions publiques étaient légitimes dans le sport. C'est au nom du principe « qui paye décide » que le ministre algérien des Sports a engagé sa croisade contre les filiales algériennes des grandes multinationales du sport-spectacle. Encore un petit porteur qui n'a pas bien lu les statuts de l'assemblée générale des actionnaires.