La cinémathèque de Annaba a abrité, en début de semaine, une très intéressante rencontre autour de la projection en avant-première d'un film documentaire de 54 minutes qui relate la mise en place au cap de garde, Ras Hamra (Annaba), de récifs artificiels par le club de plongée Hippone-Sub. Le film de Hamza Mendil, cameraman et réalisateur mais aussi doctorant à l'Ecole nationale supérieure des sciences de la mer et de l'aménagement du littoral (Enssmal, ex-Ismal), est le premier documentaire sous-marin 100% algérien. Il a été produit par la société Nephrops GP qui a mis en place une équipe de tournage qui a suivi pendant plus d'un an toutes les étapes de ce projet de récifs artificiels financé à hauteur de 1 600 000 DA par le Fonds mondial pour l'environnement (FEM/SGP), le programme de microfinancement SGP et le PNUD. Ces récifs sont des constructions artificielles immergées en mer pour créer des espaces abrités pour la faune et la flore marine. Ils procurent en premier lieu des niches adaptées aux algues et plantes aquatiques, puis aux poissons, aux mollusques et aux crustacés. Ils sont présentés comme une réponse possible à la réduction de la biodiversité marine et donc d'offrir une opportunité pour l'augmentation de la productivité du milieu et soutenir de la sorte les activités de pêche professionnelle ou récréative. Tout le monde ne s'accorde pas, surtout dans les milieux scientifiques, sur l'efficacité annoncée des récifs qui n'est pas vérifiée. «La démonstration des effets recherchés reste souvent partielle, limitée à quelques espèces et/ou restreinte à l'environnement immédiat des structures immergées», note l'Ifremer dans un rapport sur l'état des connaissances sur les récifs artificiels. Cependant cela reste l'outil privilégié pour la reconstitution de la vie sur les fonds marins dévastés par la pollution, comme malheureusement c'est le cas à Annaba, comme le montre le film qui débute par des images apocalyptiques des fonds profonds de la métropole de l'Est. L'Algérie a connu un retard considérable dans la création et la mise en place de ce genre de dispositifs. En Méditerranée, nous sommes bons derniers, avec trois récifs autorisés (Annaba 2016) et trois autres sites non autorisés immergés par les associations de Dellys et Oran en 2015 et Cherchell en 2016. La France compte 13 000 récifs et le plus grand récif d'Europe, au Prado à Marseille. Même la Libye continue, malgré la situation actuelle, à immerger des navires de guerre dépollués (mars 2016) pour créer des récifs et assurer l'avenir de leurs enfants. En Tunisie, ce sont les professionnels, traduire les pécheurs, qui construisent et immergent eux-mêmes les récifs artificiels, tant l'impact sur la production de poisson est importante. Pour Probium, le réseau algérien pour la protection de la biodiversité marine, les associations qui militent dans ce domaine sont prises en otage par la bureaucratie, la rigidité intellectuelle et le refus du changement de ses institutions. Comme relevé par des intervenants, l'expérience de Annaba a été un succès parce que ses promoteurs ont réussi l'exploit de faire travailler ensemble toutes les parties concernées. Le projet prévoit l'immersion de 5 récifs. C'est déjà fait pour deux, le troisième est en cours. Comme rappelé dans le film par la coordinatrice du projet PNUD, l'intelligence de l'équipe d'Hippone-Sub est d'avoir pensé à la réalisation de ce film.