Au-delà du caractère politique que l'on veut lui attribuer, l'exportation des produits dont les prix sont subventionnés par l'Etat relève purement et simplement d'une situation d'infraction à la législation douanière. Coup dur pour les transformateurs de matières premières dont les coûts sont subventionnés par l'Etat : le gouvernement a ordonné hier une enquête détaillée sur la problématique de l'exportation des produits alimentaires utilisant des intrants subventionnés. Un conseil interministériel a été consacré hier exclusivement à ce dossier. Des opérateurs risquent de se voir pris dans le filet, tant il est vrai que plusieurs d'entre eux, bénéficiaires directement et indirectement de la subvention des prix des céréales, de la poudre de lait et du sucre essentiellement, se sont mis à exporter le produit final. C'est à l'issue d'un conseil interministériel, présidé hier par Abdelmadjid Tebboune, qu'il a été décidé de prendre en charge cette question qui, au-delà du caractère politique que l'on veut lui attribuer, relève purement et simplement d'une situation d'infraction à la législation douanière. En effet, dans le guide des procédures douanières, il est clairement mentionné que «les produits alimentaires dont les prix sont subventionnés par l'Etat (le blé dur, le blé tendre, l'orge, la semoule, la farine, les pâtes alimentaires, le couscous, le lait pasteurisé (conditionné en sachet), à l'exception des produits confectionnés avec des céréales importées sous le régime du perfectionnement actif sont interdits à l'exportation». Il faut dire que depuis 2012, la liste des produits alimentaires subventionnés a été élargie au sucre, dont l'importation de la matière première est subventionnée fiscalement et donc indirectement par l'Etat. Selon des sources proches de l'administration douanière, qui a pris part d'ailleurs au conseil interministériel d'hier, au même titre que les ministres, respectivement, des Finances et du Commerce, le gouverneur de la Banque d'Algérie ainsi que le président de l'Association des banques et établissements financiers (Abef), plusieurs opérateurs ont été pris en flagrant délit d'exportation de produits alimentaires fabriqués à base d'intrants subventionnés. Ces entreprises travaillent essentiellement dans la transformation des céréales. Lors de ladite réunion présidée par Abdelmadjid Tebboune, le ministre du Commerce a présenté un compte-rendu qui a permis, dit-on, de mettre en exergue «les incohérences qui caractérisent le fonctionnement de certaines filières dont les produits sont éligibles à l'exportation», note le communiqué dudit conseil. «Les contradictions et anomalies relevées ont trait aux différents niveaux de la chaîne et concernent aussi bien le système des approvisionnements que ceux de la production et de la distribution», poursuit la même source. A l'issue du débat, le Premier ministre a instruit les responsables présents «en vue de mettre en place une commission intersectorielle qui sera présidée par le ministre des Finances et dans laquelle sera également représenté le ministre de l'Agriculture, du Développement rural et de la Pêche». Cette commission «est appelée à élaborer un rapport détaillé sur cette problématique d'exportation de produits alimentaires utilisant des intrants subventionnés dans un délai d'un mois», précise le communiqué. Les conclusions auxquelles aboutira l'expertise «seront soumises à l'appréciation du Premier ministre et devront être accompagnées de propositions de solution à même de mettre un terme aux conséquences directes engendrées par ce phénomène, notamment aux préjudices constatés sur le développement de l'économie nationale». Dit autrement, le gouvernement va demander des comptes pour chaque dinar mis à la disposition des entreprises sous forme d'une subvention des matières premières entrant dans la fabrication des produits alimentaires. Les premières infractions à la législation ont été constatées en 2009 et des entreprises avaient été mises en demeure pour avoir exporté des produits alimentaires utilisant des intrants subventionnés. Il semblerait que plusieurs opérateurs ont récidivé durant ces dernières années, bénéficiant d'une passivité presque complice des institutions, avons-nous appris hier. Pour justifier sa politique d'apurement des comptes, le gouvernement met en avant une éventuelle situation de détournement des subventions de leur vocation initiale. Ce à quoi les enquêteurs de la commission mixte vont tenter de répondre dans un délai d'un mois. Des poids lourds de l'industrie agroalimentaire pourraient se faire remonter les bretelles à l'issue de l'enquête.