Le dossier des visas sera officiellement ouvert courant décembre à Alger à la faveur de la réunion du groupe Justice et affaires intérieures, en charge de suivre, avec quatre autres groupes, l'application de l'accord d'association signé par l'Algérie avec l'Union européenne (UE), entré en vigueur en septembre 2005. Nous voulons donner un signal fort à Alger », nous explique un haut responsable à la Commission européenne à Bruxelles, en Belgique. L'UE s'était engagée à lancer « des discussions probantes » sur le dossier, à la faveur de la réunion, en mai 2006, du conseil d'association avec l'Algérie. En dépit de la suppression prochaine du régime de consultation, à l'origine des retards dans la délivrance de visas de circulation Schengen, et qui est d'abord une décision européenne, l'Algérie se plaint du traitement réservé aux citoyens désireux de se rendre en Europe. Le taux de refus des visas, qui avoisine les 50%, est jugé excessif. Pour des considérations sécuritaires, les pays membres du système Schengen se consultent pour décider de donner ou non un visa de court séjour ou d'études pour un Algérien. Cette consultation, qui est entrée en vigueur en 1995 à la demande de la France après la prise d'otages de l'Airbus d'Air France à Alger, en 1994. Des améliorations dans les procédures seront accordées pour la délivrance des visas aux étudiants, les chercheurs et les hommes d'affaires. « De toute façon, la question des visas est prévue dans l'accord d'association et il faut en discuter », explique ce même haut responsable. L'accord d'association, qui fait la part belle à la libre circulation des marchandises, prévoit également des dispositions pour le mouvement des personnes entre les deux espaces. Si les restrictions du système Schengen sont parfois étouffantes, les difficultés qu'impose l'Algérie pour accorder des visas aux Européens sont tout aussi handicapantes. L'enjeu du gaz Le groupe qui se déplacera à Alger, et qui comprend, entre autres, Véronique Janssens, responsable du Desk Algérie à la Commission européenne, aura à passer en revue toutes ces questions. Des questions à approfondir l'année prochaine lors de la réunion du deuxième conseil d'association Algérie-UE. Les autres groupes thématiques, qui activent à titre transitoire et qui doivent préciser l'agenda à suivre et les priorités, s'occupent de l'industrie, du commerce, de l'agriculture, de la pêche, des services, de l'environnement, du transport et de l'énergie. A Bruxelles, on insiste beaucoup sur le dossier énergétique depuis que la Russie, plus grand fournisseur du Vieux continent, s'est mise à utiliser le gaz comme « une nouvelle arme de dissuasion » géostratégique (après la désormais célèbre crise de l'hiver ukrainien). L'importation du gaz naturel liquéfié (GNL), considéré comme une énergie fiable, est en tête des priorités européennes à moyen terme. Le Vieux continent achète 11% de son gaz à l'Algérie. A l'horizon 2015, ce volume d'importation va, théoriquement, doubler. En mai 2006, l'Algérie et l'Union européenne devaient signer un mémorandum d'entente portant sur la stratégie énergétique. C'est du moins ce qui a été convenu lors de la visite de l'ex-chef du gouvernement Ahmed Ouyahia, en février 2006, aux institutions européennes. Le Portugais José Manuel Barroso, président de la Commission européenne, avait parlé avec le responsable algérien de la stratégie énergétique, perçue comme une priorité. « Près de 90% de nos exportations gazières sont destinées à l'Europe, et nous sommes disposés à fournir autant de quantité de gaz que le marché européen en demandera », avait répondu Ahmed Ouyahia, soulignant que l'Algérie n'était pas en concurrence avec la Russie sur ce marché. Mais l'accord Sonatrach-Gazprom signé à Moscou et le retard de la mise en route du mémorandum d'entente énergétique Algérie-Europe ont suffi pour susciter les inquiétudes à Bruxelles. « Nous ne savons pas pourquoi il y a du retard mais on nous a dit qu'il existe des contraintes techniques », nous dit-on à Bruxelles. D'où la venue en Algérie, ces derniers jours, du Letton Andris Pielbags, commissaire européen à l'énergie, où il a eu des « assurances », en marge de la cinquième conférence internationale sur les opportunités d'investissements qui s'est tenue à Oran. Selon ses dires, les préparatifs pour la signature du mémorandum d'entente est en bonne voie. « Cela peut prendre un peu de temps », a-t-il dit à la presse comme pour introduire la possibilité de retards. Il y a comme l'impression que « deux priorités » s'affrontent : l'Algérie veut plus de visas, l'Europe plus d'énergie. Sauf qu'au Nord, les événements s'accélèrent avec l'échec du sommet UE-Russie qui devait avoir lieu à Helsinki en Finlande. La Pologne, qui a fait un veto, a voulu protester contre l'embargo imposé par Moscou à l'importation des viandes. C'est que la guerre commerciale, fonds apparent à des enjeux plus importants, ne fait que commencer. L'embargo est considéré comme « une mesure disproportionnée » à Bruxelles. L'Algérie, qui continue à croire que les procédures de délivrance demeurent discriminatoires, n'est pas prête à accepter la Politique européenne de voisinage (PEV) avant de faire une évaluation de la mise en application de l'accord d'association. Alors y a-t-il des problèmes avec l'Algérie ? « Non. Cela ne se pose pas en termes de problèmes. Si l'Algérie a opté pour le travail sur l'application de l'accord d'association, c'est son choix. Mais, vous n'aurez pas les avantages que les autres pays auront. La PEV est basée sur un plan d'action qui est élaboré avec les pays concernés. Rien n'est imposé », martèle la Britannique Emma Udwin, porte-parole de la commissaire européenne pour les relations extérieures, Benita Ferrero-Waldner. « Les réformes ne se vendent pas » La philosophie de Emma Udwin est simple : « You do more, you get more » (Vous faites plus, vous aurez plus). Elle précise que la PEV est un processus partagé avec les pays à qui la politique est adressée. Elle prend le soin de souligner que le Maroc et la Jordanie ont beaucoup fait dans le sens de la PEV bénéficiant de programmes financiers (même si à Bruxelles, on aime bien dire que les ressources de l'UE sont limitées). On rappelle également la participation du Maroc avec les forces de l'OTAN au Kosovo. Le Maroc autant que l'Algérie et la Tunisie prend part également au Dialogue Méditerranéen proposé par l'Alliance atlantique. Aux yeux de Emma Udwin, les réformes ne se vendent pas. « Elles ne s'achètent pas non plus », ajoute-t-elle. Elle constate, et à demi-mot, que la Tunisie ne fait pas montre de trop d'enthousiasme sur le chapitre des droits humains et de la démocratie. Largement favorables à la PEV, comme ils l'ont été pour le processus euro-méditerranéen de Barcelone, les Tunisiens se montrent réticents à « l'approche participative » prônée par l'UE. Début novembre, l'ambassadeur d'Algérie à Bruxelles, Halim Benatallah, a déclaré, à la presse algérienne, repris par l'APS, que la politique européenne de voisinage n'était pas « une priorité ». Il a déploré le fait que l'Algérie n'ait pas été concertée dans l'élaboration de ce mécanisme, « qui s'apparente à un plan d'ajustement politique ». Approché par des responsables de la Commission européenne, le diplomate aurait affirmé que ses propos n'ont pas été respectés. « On a l'impression que l'Algérie ne veut pas du tout de cette politique de voisinage. Il y a refus », lance, à l'occasion d'un déjeuner, Oliver Nette, responsable à la division communication auprès de la direction des relations extérieures de la Commission européenne. Prudente, la Commission a décidé d'abandonner le Rapport Algérie, prévu pourtant dans l'agenda international de l'UE, sur la PEV. « On ne veut pas donner l'impression de faire des choses derrière le dos des Algériens. Il faut maintenir le climat de confiance », nous explique-t-on. Soin est laissé à l'Algérie de choisir « le moment opportun » pour lancer les discussions sur le plan d'action de la PEV. L'Autrichienne Benita Ferrero-Waldner, qui a visité l'Algérie en juin 2005, reste convaincue que la PEV enrichit les perspectives bilatérales du processus de Barcelone. Mais, ce processus, lancé en 1995, a-t-il réellement fonctionné ? N'est-il pas que de la poudre aux yeux ? Oliver Nette n'est pas de cet avis. Selon lui, le processus de Barcelone est constamment étudié et analysé. « Pour nous, la priorité est de développer le bilatéral, en attendant que ce processus fonctionne à plein régime », argue-t-il. Et on tient à dire que l'Europe n'a pas abandonné le processus de Barcelone au profit de la politique européenne de voisinage. Comme on tient à faire la distinction entre l'élargissement de l'Europe et la PEV. L'Europe qui s'apprête à accueillir deux nouveaux membres à partir de janvier 2007 : la Bulgarie et la Roumanie. Il faudra désormais parler de l'Europe des 27.