Le collectif du quotidien La Tribune ne s'avoue pas vaincu. Un rassemblement de solidarité s'est tenu, hier, à la maison de la presse Tahar Djaout (Alger). Prenant la parole devant quelques dizaines de journalistes, Hasna Yacoub ne s'explique pas l'attitude de «mépris» des actionnaires du journal à l'égard de la soixantaine d'employés. «Le 9 août, les travailleurs étaient présents à la rédaction comme à leur habitude pour faire le journal. L'administratrice et le directeur de publication par intérim sont venus nous dire : ‘‘Le journal s'arrête, vous pouvez rentrer chez vous''», raconte-t-elle, les yeux embués et la voix étouffée. «On veut deux choses : que la Tribune ne meure pas et que les postes de travail soient préservés…», poursuit-elle, en lisant un communiqué du collectif qui dénonce la liquidation pour des «considérations commerciales et mercantiles» du journal condamné à disparaître comme ses deux membres fondateurs, Kheireddine Ameyar et Bachir Cherif Hacène. Le quotidien La Tribune a cessé de paraître depuis début août suite à la décision de deux actionnaires minoritaires, Djamel Djerad et Cherif Tifaoui, d'introduire en référé une demande auprès de la justice pour la cessation des activités de la Sarl Omnium Maghreb presse, éditrice du journal. Ancien directeur de la rédaction de La Tribune, Abdelkrim Ghezali regrette que ses collègues du métier ne se rencontrent que «pour enterrer quelqu'un ou un journal». «On ne tire pas les leçons. Le problème de la presse, c'est le déficit de solidarité. Sans la solidarité, on va tous mourir», assène A. Ghezali. Collaborateur occasionnel de La Tribune, Mohamed Bouhamidi considère que cet organe était une voix «critique» et «fraternelle». «L'héritage de la pensée diverse doit rester… Il appartient à l'histoire politique du pays…», relève-t-il. Le journaliste d'El Watan et ancien de La Tribune, Zine Cherfaoui, affirme qu'avec la mise à mort du quotidien, «c'est une idée du journalisme qu'on n'a plus qui va disparaître. Il n'y avait pas de censure. La seule barrière qui est fixée, c'était l'éthique et la déontologie». «On peut sauver La Tribune. Le combat mérite d'être mené», rassure Cherfaoui. Des repreneurs du titre ? Tout en insistant sur la nécessité de sauvegarder les emplois, Amar Chekar et Zoubir Khelaïfia appellent à la «relance» du Syndicat national des journalistes (SNJ) pour défendre une presse qui va à vau-l'eau. Journaliste à El Watan, Adlène Meddi estime qu'il y a nécessité de trouver de nouvelles formes de solidarité aux travailleurs, à travers par exemple un collectif des amis de La Tribune. Karim Kebir, journaliste à Liberté, qui affirme avoir fait ses classes à La Tribune considère que la fermeture de la rédaction est le «reflet de la situation globale du pays». «Il faudra réfléchir sur ce qu'il y a lieu de faire pour sauver La Tribune», affirme-t-il. Le directeur de la rédaction du Temps, Hassan Moali, déplore l'absence de journalistes au sit-in et s'interroge sur les moyens à mettre en œuvre pour sauvegarder le titre. Il faut «sauver (La Tribune) mais de quelle manière ?» s'interroge-t-il. Taous Ameyar, qui a rappelé son parcours auprès de son défunt mari, Kheireddine, signale qu'elle a introduit une intervention volontaire auprès du juge des référés pour s'opposer à la liquidation de l'entreprise voulue par deux autres actionnaires minoritaires. «Je peux rouvrir le journal, mais j'attends la décision de la justice, qui interviendra mercredi prochain», précise-t-elle. Pour la dame, qui affirme avoir été rétablie comme associée de l'entreprise après un long combat judiciaire avec les autres actionnaires, l'ouverture du journal pourrait intervenir «comme solution extrême» grâce à des repreneurs. Reprenant la parole à la fin du sit-in, Hasna Yacoub signale que le collectif adhérera à toute solution d'où qu'elle vienne pour sauver les postes d'emploi et empêcher que le titre ne meure. «On ne doit pas cesser notre combat», insiste-t-elle.