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Jaurès, l'homme qui voulait empêcher la guerre
Théâtre : Chroniques avignonnaises
Publié dans El Watan le 28 - 08 - 2017

Jean Jaurès a été assassiné le 1er août 1914 à quelques heures du déclenchement de la Première Guerre mondiale contre laquelle il avait vainement mis en garde
Cette année encore, alors que nous sommes depuis 2014 dans la célébration du centenaire de la Grande Guerre, jusqu'au 11 novembre 2018, Jean Jaurès est sous les projecteurs des scènes de théâtre.
A Avignon, la compagnie Aigle de sable et le théâtre de l'Epée de bois proposent Rallumer tous les soleils, Jaurès ou la nécessité du combat, avec ce sous-titre explicatif, tiré d'une citation de l'homme politique : «Si l'humanité a eu la force de concevoir la justice, elle a la force de la réaliser».
Le fondateur du journal L'Humanité est mort avant de voir le moindre des rêves de paix et de progrès voir le jour, assassiné par le bras armé de ceux qui ne comprenaient pas pourquoi il s'entêtait à lutter contre l'esprit guerrier, mais aussi contre l'esprit colonial, alors que la France se voyait disputer depuis une décennie le Maroc par les Allemands. Sa position vis-à-vis de l'islam était clairvoyante. Disant, que les pays musulmans se rebelleraient un jour de l'asservissement, il était d'une avance incroyable sur son temps, de presque cinquante ans si on considère le déclenchement des luttes en Afrique du Nord.
«J'ai mis en exergue ce qui parle plus aujourd'hui, mais je n'ai rien inventé, sinon actualisé», dit à El Watan Jérôme Pellissier, auteur de la somme remarquable de recherches qui ont donné naissance au spectacle, créé il y a deux ans, mais joué pour la première fois à Avignon par des comédiens chevronnés.
LES DISSENSIONS PEGUY-JAURES
Alexandre Palma Salas interprète le rôle de l'écrivain Charles Péguy, partenaire d'alors de Jaurès au sein du Parti socialiste. Va-t-en-guerre, nationaliste convaincu, Péguy deviendra le pire ennemi de l'internationaliste et pacifiste Jaurès, au fur et à mesure que la menace de conflit se précisait. Jaurès prédisait une saignée épouvantable.
Péguy affirmait la défense de la patrie offensée. Incarnant Péguy, le comédien avoue cependant une fascination pour Jaurès : «Quand on a travaillé le personnage, c'est vrai que Jaurès ‘‘est'' Jaurès, entré au Panthéon. Mais, avec Péguy, c'était tout de même deux génies qui s'affrontaient. On le voit dans la première partie, au début des années 1900, où l'un apporte à l'autre.
Ce que m'a toujours dit l'auteur, c'est que ce qui a fait cette haine de Péguy par rapport à Jaurès, c'est que Jaurès ne lui a jamais proposé quoi que ce soit comme collaboration.» Eric Wolfer incarne Jaurès, «j'ai mis quatre mois à faire l'apprentissage du texte», nous dit-il, non pas seulement par «mécanique de la mémoire», «c'est aussi entrer dans sa pensée. On est obligé en tant que comédien de lâcher prise et de plonger dans la personnalité hors du commun». Le comédien a beaucoup travaillé pour s'approprier ce personnage : «J'ai lu énormément sur Jaurès et notamment le très important livre de Pellissier, les biographies, les témoignages écrits sur lui. Je suis encore maintenant étonné de l'aspect visionnaire du personnage, de la façon dont sa parole résonne encore aujourd'hui.»

LA DéNONCIATION DE L'ASSERVISSEMENT DES MUSULMANS
Il cite notamment ce que disait le tribun pour dénoncer autant qu'il le pouvait la colonisation et l'asservissement des musulmans, estimant qu'un jour cela se retournerait contre l'Occident. Si Jaurès ne pouvait évidemment pas deviner la forme que prendrait un jour la remise en cause de cette hégémonie meurtrière de la France et des autres puissances colonisatrices, il faut lui rendre hommage, car il eut les mots justes pour s'en indigner. «Il analysait et disséquait les rouages des conséquence de la colonisation. C'est étonnant de voir cet homme au début du XXe siècle tirer la sonnette d'alarme», nous confie Eric Wolfer.
Avec le sentiment que la mort brutale de Jaurès, même s'il avait perdu la bataille de son vivant, restera pour l'histoire comme un gâchis, parmi d'autres dont l'humanité est friande. «Pourtant, ses mots sont encore là et les gens sont en demande de compréhension des phénomènes qui conduisent à la mort, comme lors du conflit de 1914. Il a pressenti qu'elle aurait lieu si on ne fait rien. Jaurès est d'actualité et on peut toujours s'y raccrocher. Sa parole est importante. Elle fait du bien, elle est pleine d'espoir et d'optimisme. Il croyait en la nature humaine, même s'il dénonce les choses les plus noires que l'humanité puisse produire».


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