Les ministères de l'Education et de l'Intérieur constituent les points focaux d'un remaniement ministériel en cours en Tunisie, pouvant toucher sept ou huit départements. Les tractations de dernière minute se poursuivent pour satisfaire les uns et les autres, notamment Nidaa Tounes, le vainqueur des législatives de 2014, les islamistes d'Ennahdha et la centrale ouvrière UGTT. Le coude-à-coude se poursuit entre Nidaa Tounes et Ennahdha concernant les postes à pourvoir lors du prochain remaniement ministériel en Tunisie. Au vu des dernières fuites, et comme lors de la formation du premier gouvernement Chahed, fin août 2016, ce dernier continue à attribuer les ministères litigieux à des personnalités externes aux deux grands partis. Du coup, pour l'attribution du portefeuille de l'Education, occupé jusqu'au 30 avril dernier par le Nidaaiste Néji Jalloul et faisant l'objet de toutes les convoitises, le nom de l'actuel ministre de l'Agriculture, Samir Taieb, est sur toutes les lèvres. Nidaa Tounes n'ayant pas l'homme qu'il faut pour garder la main sur le ministère. Taieb est un universitaire, secrétaire général du parti Al Massar (ex-parti communiste/ Attajdid), une formation de centre-gauche, en bons termes avec Nidaa Tounes et, surtout, moderniste. C'est aussi un ami des syndicats, très forts dans le secteur de l'Education. Les enjeux de l'Intérieur Selon les dernières fuites, le ministre de l'Intérieur, Hédi Mejdoub, pourrait rester à la tête de son département. Les débats autour de son nom auraient juste servi à calmer l'appétit des islamistes d'Ennahdha concernant d'autres postes dans la nouvelle équipe. En agitant la question de l'Intérieur, Béji Caïd Essebsi a fait comprendre au leader d'Ennahdha, Rached Ghannouchi, qu'il ne dormait pas sur ses lauriers concernant ce ministère et le dossier des Tunisiens partis dans les aires de combats en 2012/2013, sous la gouvernance de la troïka. Et puis, il ne faut pas oublier que Mejdoub n'est qu'un technocrate et que beaucoup de bon travail a déjà été fait en matière sécuritaire, selon le député Mustapha Ben Ahmed, chef du bloc parlementaire nationaliste. «Hédi Mejdoub ne saurait dire ‘‘non'' au chef du gouvernement concernant les dossiers sécuritaires stratégiques», explique le député. Du nouveau pourrait arriver du côté du ministère du Tourisme. Selma Elloumi dispose certes du soutien de Nidaa Tounes et de la présidence de la République. Mais les résultats du secteur durant les trois dernières années, notamment 2017, ne sont pas à la hauteur des attentes des professionnels et du gouvernement. Le secteur n'a pas su bénéficier des bons résultats enregistrés sur le plan sécuritaire pour faire remonter la cote de la Tunisie sur le marché européen. Seuls les Algériens et les Russes continuent à animer les hôtels tunisiens. Selma Elloumi pourrait faire les frais de ce constat. La ministre des Sports, Majdouline Cherni, a obtenu ce portefeuille alors qu'elle était politiquement indépendante. Aujourd'hui, elle est désormais membre de Nidaa Tounes. Du coup, elle n'est pas sûre de garder son poste. Cela dépend des priorités de Nidaa Tounes quant aux départements que le parti du président Caïd Essebsi veut garder, surtout si l'actuel conseiller politique du Président, Slim Chaker, intègre le gouvernement. Le ministre des Transports, Anis Ghedira, Nidaaiste lui aussi, pourrait payer les frais de ce chambardement. Les places sont chères du côté du parti du Président, puisqu'une autre dirigeante, Aziza Htira, pourrait se voir attribuer un portefeuille ministériel, probablement celui de l'Industrie. Auquel cas, c'est le Nahdhaoui Zied Ladhari qui paierait les frais de la division du ministère du Commerce et de l'Industrie en deux parties : Commerce et Industrie. Cette scission est encore dans le doute. Sur un autre plan, les casseroles que traîne le ministre des Droits de l'homme, de la Société civile et des Institutions constitutionnelles, Mehdi Ben Gharbia, notamment un dossier contentieux avec la compagnie nationale Tunisair, pourraient lui coûter sa place. Les Droits de l'homme seraient ajoutés au ministère de l'Education, alors qu'un secrétariat d'Etat rattaché à la présidence du gouvernement se chargerait de la Société civile et des Institutions constitutionnelles. Un nouveau venu obtiendrait alors un tel poste. Les ministères des Finances et du Développement économique seraient attribués à d'anciens ministres ou des technocrates. Ce ne sont pas les compétences qui manquent, comme ce fut le cas avec le partant Fadhel Abdelkefi. Des noms comme Ridha Chalghoum et Hakim Ben Hamouda sont pressentis pour de tels postes. Mais les dernières heures décideront du choix définitif. Une seule chose est certaine, l'alliance entre Nidaa Tounes et Ennahdha, ou plutôt l'harmonie entre le président Béji Caïd Essebsi et le leader d'Ennahdha, Rached Ghannouchi, est toujours au beau fixe.