Le ministre italien de l'Intérieur, Marco Minniti, effectue aujourd'hui une visite officielle en Algérie. Une occasion de rencontrer son homologue, Noureddine Bedoui, et le Premier ministre, Ahmed Ouyahia. Lors de sa visite, le ministre italien abordera avec ses interlocuteurs les questions de sécurité, de circulation des personnes, la migration clandestine et la crise libyenne. Vous effectuez une visite de travail en Algérie. Quels sont les points que vous allez aborder avec vos interlocuteurs algériens ? L'Algérie représente pour l'Italie un pays-clé dans la région, un pays avec lequel nous collaborons étroitement dans beaucoup de domaines : la stabilisation de la Libye à travers le dialogue et le consensus, la sécurité dans le Sahel, la lutte contre les organisations terroristes transnationales, l'approche structurelle pour le développement de l'Afrique subsaharienne. L'Algérie et l'Italie partagent toutes les deux la nécessité d'affronter les causes profondes du phénomène des migrations, avec une approche respectueuse des droits de l'homme fondamentaux, mais très claire sur la dimension politique, qui ne peut faire abstraction d'une forte coresponsabilisation internationale. La circulation des personnes fait partie des sujets sur lesquels l'Algérie et l'Italie échangent. Y a-t-il de nouvelles mesures prises des deux côtés dans ce sens ? Des milliers d'Algériens se rendent chaque année en Italie pour faire du tourisme (56%) et pour affaires (37%). Le flux de l'Italie vers l'Algérie est très intense aussi, il concerne surtout des entrepreneurs intéressés par les opportunités présentes en Algérie. Nous sommes le 3e pays dans l'espace Schengen pour le nombre de visas demandés. Deux nouveaux centres de réception des demandes de visa ont ouvert à Adrar et à Constantine. Nous arrivons à délivrer des visas pour affaires en 24 heures et pour le tourisme en 30 jours. Récemment, nous avons amélioré et facilité aussi les contrôles de sécurité à l'aéroport de Fiumicino. Je suis conscient que la mobilité des personnes est l'un des points forts de toute relation bilatérale et nous travaillons pour la rehausser sans pour autant baisser le niveau de sécurité dans l'intérêt commun de nos deux pays. Votre pays fait face à des vagues de migrants clandestins. Comment arrivez-vous à gérer ce phénomène ? L'Algérie peut-elle vous aider à affronter cette situation ? Je préfère parler d'immigration illégale que d'immigration clandestine. L'objectif que nous devons atteindre est clair : éradiquer les réseaux criminels qui prospèrent cyniquement aux dépens d'êtres humains qui se trouvent dans des conditions d'extrême difficulté. Cela dit, nous avons prouvé que l'Italie sait affronter le problème migratoire avec un esprit humanitaire. Toutefois, ceci n'est pas suffisant : les migrations doivent être considérées aussi comme un phénomène de long terme, qui requiert une approche intégrée de la communauté internationale. Nous continuons à travailler pour une totale participation de tous les pays européens. Les migrations ne concernent pas seulement l'Italie, mais toute l'Europe et ses politiques. Dans ce sens, l'Italie est fortement engagée dans la construction d'une nouvelle relation entre l'Europe et l'Afrique à travers une coopération renforcée qui consiste à lutter avec efficacité contre le trafic d'êtres humains en appuyant à la fois les initiatives de développement économique et social des communautés locales. C'est dans cette optique que j'ai rencontré, à la fin d'août à Rome, les maires libyens et les ministres de l'Intérieur de la Libye, du Niger, du Mali et du Tchad. Et c'est dans cette direction que nous travaillons avec nos partenaires européens, comme apparu clairement aussi lors du dernier sommet à Paris entre les chefs d'Etat et de gouvernement d'Italie, de France, d'Allemagne et d'Espagne et qui a vu la participation de la Libye, du Niger et du Tchad aussi. Je suis très content que l'Algérie se soit jointe au groupe de contact des ministres de l'Intérieur des pays de la Méditerranée centrale qui s'est réuni à Tunis le 24 juillet. Dans le contexte qui se dessine, l'Algérie représente pour nous une référence particulièrement importante de par sa capacité de contrôle des frontières, mais aussi pour avoir su accueillir un nombre important de réfugiés. L'Algérie est également touchée malheureusement par les activités de la criminalité transnationale qui exploite les itinéraires migratoires de l'Afrique subsaharienne. Aux défis transnationaux, on répond par une approche intégrée et nous savons que l'Algérie est un interlocuteur solide, conscient et visionnaire. Comment gérez-vous la présence de migrants algériens qui se trouvent de manière clandestine chez vous ? Sont-ils nombreux ? Environ 30 000 citoyens algériens résident légalement en Italie, et il s'agit pour la plupart d'une communauté bien intégrée. En 2016, les Algériens en situation irrégulière étaient environ 2000, et ceux arrivés clandestinement en Italie ont dépassé de peu les 1000. Les chiffres de cette année ne s'éloignent pas de ceux que j'ai cités de 2016. Nous travaillons avec les autorités algériennes pour améliorer notre collaboration dans ces cas. La lutte contre le terrorisme est une préoccupation du monde actuel. Nos deux pays ont connu ce phénomène. Quel est le degré de la coopération entre l'Algérie et l'Italie dans ce domaine ? Pour répondre à votre question, je n'ai qu'un adjectif : excellent. Pour nous, l'expérience algérienne, accrue surtout lors de la terrible «décennie noire», est précieuse. Il s'agit d'une approche multidimensionnelle qui prend en compte différents aspects, pas seulement de la lutte mais aussi de la prévention à travers une stratégie organique visant l'affaiblissement de la menace relative, en particulier, au radicalisme religieux. C'est ce dont nous avons besoin aujourd'hui. Mais nous devons rester vigilants, et l'échange d'informations et le partage des bonnes pratiques sont essentiels. Si le terrorisme est devenu mondial et transnational, la collaboration doit s'intensifier. Dans ce sens, nous pensons qu'il est primordial de renforcer les canaux de collaboration déjà actifs entre nos pays, en les adaptant toujours plus à la nouvelle fonction que le phénomène est en train de prendre, toujours plus en relation avec le web. L'Algérie et l'Italie font partie du groupe des pays «de voisinage» qui essaient de jouer un rôle dans la gestion de la crise en Libye. Quelle contribution peut apporter votre pays en tant qu'ancienne puissance coloniale à la stabilisation de ce pays ? Je ne vais pas réveiller le passé colonial. Ce qui nous intéresse, c'est la stabilisation de la Libye pour un nombre de raisons objectives : pour le peuple libyen, qui attend depuis trop longtemps un avenir de paix et de prospérité ; pour la sécurité de notre pays et du vôtre, parce que nous devons éviter que les organisations terroristes et criminelles trouvent un terrain fertile en Libye, prêtes à exploiter en leur faveur un vide au sein du pouvoir afin de regarder à nouveau et ensemble la Méditerranée comme une région d'opportunités et de développement et non plus comme une zone de crise et de conflits. Nous avons encore beaucoup à faire ensemble.