Par Lina Kennouche (*) Les forces de l'armée syrienne ont établi la jonction, hier, avec le régiment 137 encerclé (dans la zone ouest de Deir Ezzor) par les combattants du groupe Etat islamique (EI). En dépit d'une résistance féroce, l'armée et ses alliés, soutenus par les bombardiers russes, ont déployé une puissance de feu qui leur a permis de percer les défenses de l'EI et faire la jonction avec ses troupes d'élite de la Garde républicaine, brisant ainsi le siège de Deir Ezzor. L'artisan de cet exploit militaire n'est autre que le général Souheil Al Hassan, chef des opérations spéciales à la direction du Renseignement de l'armée de l'air, envoyé sur tous les fronts décisifs et qui s'illustre par ses victoires militaires. Célébré par les partisans de Damas pour son succès retentissant dans la bataille d'Al Chaer (nord-ouest de Palmyre), le général Souheil, surnommé également «le Tigre», a mené une offensive victorieuse à Hama et parvient, dans le cadre de la bataille d'Alep, à renverser le rapport de force après la reconquête de la zone industrielle et de la prison centrale, imposant une barrière protectrice autour de la ville. A Deir Ezzor, l'avancée fulgurante de l'armée syrienne est également surprenante. En l'espace de quelques mois, elle a parcouru 250 km, traversé El Badia et s'impose militairement sous le commandement de cet expert des contre-attaques pour briser les sièges imposés par Nosra et l'EI. La reprise totale de la ville, contrôlée majoritairement par l'EI (entre 5000 et 7000 combattants) qui a construit un vaste réseau de tunnels souterrains pour se protéger des attaques, ne semble plus qu'une question de jours. Il reste à établir la jonction avec la poche de résistance de l'armée assiégée dans les quartiers nord de la ville et autour de l'aéroport. Les forces syriennes et leurs alliés avancent actuellement sur trois fronts : à l'ouest de Deir Ezzor, au nord-est de Maadan, et au sud-ouest de Hmeiné. En cassant le siège de l'EI à Deir Ezzor, l'armée syrienne a ouvert l'axe du rif oriental. La prochaine étape dans la stratégie de reconquête totale du territoire est donc l'offensive programmée pour reprendre le contrôle d'Al Boukamal et Al Mayadeen tombées sous la coupe de l'EI en 2014. En consolidant ses positions le long de la frontière irakienne, l'armée syrienne obligera l'EI à se replier en Irak, sur sa dernière base arrière de la province d'El Anbar, au sud de Kirkouk, où il tient encore trois localités importantes Al Qaïm, Ana et Rawa. Un scénario redouté par les Irakiens, qui, après avoir chassé l'EI de Mossoul en direction de la Syrie, vont se retrouver confrontés au retour des djihadistes. Ils devront essuyer l'une des conséquences de la décision américaine d'empêcher toute coordination militaire entre les forces armées irakiennes et syriennes qui aurait permis de resserrer l'étau sur l'EI des deux côtés de la frontière. La victoire de l'armée à Deir Ezzor résonne donc comme un échec pour les Américains dont le principal objectif était d'entraver la réouverture de l'axe Téhéran-Baghdad-Damas, le rétablissement d'une continuité territoriale et d'une profondeur stratégique. Pour saboter ce plan, les Etats-Unis ont tenté à deux reprises d'affaiblir l'armée syrienne. Le 6 décembre 2015, la coalition dirigée par les Etats-Unis avait détruit un camp des forces spéciales syriennes à Al Ayash (ouest de Deir Ezzor). Moins d'un an après, en septembre 2016, cette coalition a mené des raids meurtriers contre les positions de l'armée syrienne sur Assarda, au Mont Tubar, à 4 kilomètres au sud de l'aéroport de Deir Ezzor, tuant 82 soldats. Ces frappes qualifiées alors «d'accidentelles» visaient à affaiblir suffisamment l'armée pour permettre à l'EI de prendre le contrôle de l'aéroport, mais cette tentative a lamentablement échoué. (*) Universitaire et journaliste établie à Beyrouth