Les choses commencent à bouger. Dans le bon sens ! L'appréciation est celle de milliers de Mauritaniens, quels que soient leur couleur, leur langue ou leur niveau d'instruction. Le gouvernement, issu du coup d'Etat du 3 août 2005, semble avoir gagné la confiance de son peuple. Les Mauritaniens reconnaissent avoir senti une volonté franche de changement de la part du régime en place. Tant au plan politique qu'au plan économique. Le Conseil militaire pour la justice et la démocratie a tenu parole, dit-on. Du moins, jusqu'à présent. La transition est en marche. La Constitution amendée consacre l'alternance au pouvoir en limitant à deux ans le mandat présidentiel. Une amnistie générale a été décrétée et tous les prisonniers politiques libérés. Le premier tour des élections législatives et municipales s'est déroulé dans la transparence et l'administration a fait preuve de neutralité reconnue par l'ensemble de la classe politique. Bref, les Mauritaniens croient que cette fois-ci sera la bonne. Leur conviction a été renforcée par une série d'actions menées par le gouvernement. « Il a assaini le secteur de la pêche et renégocié les accords avec l'Union européenne qui sont passés de 80 millions à 200 millions d'euros. Comme il a exigé des exploitants européens d'embaucher plus de Mauritaniens, de bâtir des usines … », estime Mohamed Ould Saleck Ould Beheite, directeur de publication du quotidien Le Méhariste. Mohamed Saleck ne doute pas de la bonne foi du régime transitoire. Pour lui, si la situation socio-économique reste mauvaise à l'heure actuelle, elle s'annonce plutôt prometteuse à moyen terme. Sentiment partagé par de nombreux citoyens qui cultivent un certain optimisme quant à l'avenir de leur pays. C'est le cas de cheikh Ahmed Ould Ouma. « Je travaille depuis 1995 au port de pêche de Nouadhibou, à bord d'un chalutier russe. A l'époque de Ould Taya, je touchais 35 000 UM (100 euros), l'un des meilleurs salaires. Mais en réalité, les Russes me payaient 5000 dollars. Mais mon salaire était partagé entre la société intermédiaire mauritanienne, l'Etat et le service des Impôts. Après le coup d'Etat, les choses ont changé au mieux. Les autorités ont exigé des employeurs d'ouvrir des comptes bancaires à leurs employés, de leur donner un salaire minimum de 45 000 UM (150 euros) ainsi que 100 dollars qu'ils toucheront à bord du chalutier. Vous voyez… », soulignera-t-il. Ould Ouma reconnaît une nette amélioration dans le secteur de la pêche depuis l'arrivée de Mohamed Vall au pouvoir. PROMESSES « Les exploitants étrangers sont tenus de respecter certains paramètres. Auparavant, ils pêchaient sans aucun contrôle et gaspillaient beaucoup. Maintenant, nos ressources halieutiques sont mieux gérées… », observera-t-il. Le secteur constitue 50% des ressources mauritaniennes. Il emploie près de 50 000 Mauritaniens. Attirés par ses eaux considérées comme les plus poissonneuses au monde, les Européens, les Chinois et les Russes sont fortement présents en Mauritanie, spécialement dans le secteur de la pêche industrielle. Les Mauritaniens, dénués de moyens technologiques, s'adonnent plutôt à la pêche artisanale. Mais le poisson n'est pas la seule richesse de la Mauritanie. Elle est aussi riche en minerais de fer, dont les gisements sont estimés à 200 millions de tonnes d'hématite électrolytique (fer à l'état pur contenant moins de 8% de carbone). Son exploitation se fait par la société nationale industrielle et minière. Et depuis février 2006, la Mauritanie est devenue producteur de pétrole. Son exploitation se fait par Woodside Petroleum. Le premier tanker a quitté le pays en mars de la même année à destination de la Chine. La production est de 75 000b/j et devrait atteindre les 100 000b/j à moyen terme. Les gisements sont estimés à 950 millions barils de pétrole d'une qualité relativement bonne. Le gouvernement a promis que l'effet induit par l'exportation des ressources pétrolières soit ressenti par la population. Première chose faite dans ce sens : la révision des contrats d'exploitations avec la compagnie australienne Woodside, la britannique Dana Petroleum et la française Total. Révision qui a permis, selon Jedna Deida, rédacteur en chef de Nouakchott infos, de récupérer près de 100 millions de dollars. C'est ainsi que sur chaque dollar gagné, la compagnie exploitante versera 55 cents dans les caisses de l'Etat que le régime en place promet de répartir équitablement sur la population. Aussi, le chef d'Etat, Ely Ould Mohamed Vall, a décidé à la nassérienne d'augmenter de 50% les salaires des travailleurs et de relever de 20% les pensions de retraite le jour de la fête de l'Indépendance du pays, le 28 novembre dernier. Autant de mesures qui font dire aux plus pessimistes et aux plus critiques tout le bien du régime en place. Au-delà de ce vent d'optimisme, la Mauritanie est loin de sortir du gouffre. Un lourd passif « La Mauritanie a hérité d'un lourd passif », dira-t-il. Outre la nature qui n'est nullement tendre avec elle (plus de 60% de son territoire est désertique), la Mauritanie a été victime une politique autoritaire et répressive qui a appauvri davantage le petit peuple et enrichi à outrance les rouages du système. « La politique des vingt dernières années a provoqué la banqueroute de notre économie », tranche Mohamed Ould Saleck. Comme d'autres Mauritaniens, il trouve que le régime de Mouaouya Ould Taya a fait plus de mal que de bien au peuple. Pour étayer ses propos, Mohamed Ould Saleck dira que plus de la moitié de la population vit en dessous du seuil de la pauvreté avec un revenu annuel de 400 dollars. Le taux de chômage a atteint 60%. « Il n'y a jamais eu une politique d'investissement. Les étrangers viennent exploiter, sans aucun contrôle nos richesses et repartent sans rien laisser en contrepartie. Ni investissement ni argent. C'était la politique du ventre. Le seul souci des dirigeants de l'époque était de renflouer leurs propres comptes par l'argent sale. Voyez ces gens qui circulent à bord de voitures rutilantes, ils ont tous bouffé avec l'ancien système … », lancera avec regret cheikh Mohamed Ould Ahmed, ingénieur en travaux publics, formé à l'institut de Kouba, à Alger. Cheikh Ahmed estime, cependant, que la Mauritanie recèle des capacités qui peuvent la hisser parmi les pays en voie de développement. « Nous avons suffisamment de richesses et d'atouts. Il faut juste savoir les exploiter », lâchera-t-il. Il trouve que le régime actuel a insufflé une dynamique nouvelle au pays.