Le rôle de la recherche dans l'élaboration de politiques en matière de drogue a été au centre des débats d'un séminaire international de deux jours, ouvert hier à Alger. Organisé par l'Office national de lutte contre la drogue et la toxicomanie avec la collaboration du groupe Pompidou, la rencontre a été l'occasion pour plusieurs spécialistes européens et maghrébins de mettre en relief leurs expériences et les moyens d'utiliser les résultats de leur recherche mise à profit dans l'élaboration de la politique en matière de drogue. Les travaux ont été ouverts par la lecture d'une allocution du ministre de la Justice, par Messoud Boufercha. Ce dernier a estimé que « la menace croissante de la culture, la production, la distribution et la consommation de drogues a poussé la communauté internationale à prendre des mesures en se basant sur les efforts coordonnés à l'échelle nationale, régionale et mondiale dans le cadre des programmes des Nations unies ». Il a insisté sur la nécessité de se joindre à l'action collective en cours au niveau des groupements régionaux et internationaux, « eu égard à l'importance que revêt la dynamisation des structures en charge de la lutte contre toutes les formes du crime organisé et la mise en place de structures nationales en charge de la recherche et de la coordination entre les institutions de manière à leur permettre de jouer leur rôle préventif ». « La lutte contre le crime organisé exige l'application des normes scientifiques internationales dans la recherche, l'investigation et l'information (...) Les conséquences néfastes du crime organisé étant devenues aussi bien une préoccupation nationale qu'internationale, un riche programme pour l'assistance judiciaire sur les plans interne et externe a été engagé par l'Algérie et tous les partenaires, institutions de l'Etat et société civile sont appelés à contribuer à la lutte contre ce phénomène », a rappelé M. Boufercha. Pour sa part, le directeur général de l'Office national de lutte contre la drogue et la toxicomanie, Abdelmalek Sayah, a insisté sur « l'importance » de telles rencontres dans la coopération et le partenariat entre les pays méditerranéens afin de combattre ce fléau, rappelant dans le même contexte, l'action menée par l'Algérie dans ce domaine avec le groupe français Pompidou, notamment en matière d'échange d'expériences. Le directeur exécutif du groupe Pompidou, Christopher Luckett, a appelé à la création d'un réseau d'échanges d'expériences entre les pays des deux rives de la Méditerranée, soulignant que le groupe est venu prendre part à cette rencontre non pas avec « des solutions toutes faites, mais avec des recommandations tirées de son expérience sur le terrain afin de soutenir l'Algérie dans ce domaine ». Aïssa Kacemi, directeur de la coopération internationale au niveau de l'Office, a déclaré que l'Algérie de par sa situation frontalière avec le Maroc, premier producteur de cannabis avec 60% de la production mondiale, a toujours servi de zone de transit pour le trafic de drogue. « Mais, progressivement, cette situation a changé pour devenir un pays de consommation. » Selon lui, 9,5 t de cannabis ont été saisies en Algérie en 2005, contre 6 t en 2002, expliquant que « la tendance de ce trafic est à la hausse de 12 à 15% par an ». Il a affirmé que 76,87% des quantités qui transitent par le pays sont destinées à l'étranger, dont l'Europe, et 26,13% restent sur le marché algérien. Il a précisé que 48% du trafic est concentré dans la région de l'ouest du pays. Ces informations ont quelque peu gêné le conseiller du gouvernement marocain sur les questions de la drogue, Toufik Jallal, qui a tenu à « apporter des précisions », juste après l'intervention de M. Kacemi. « Le Maroc a engagé une politique de lutte contre le trafic de drogue et sa production. La culture a diminué et la production ne représente de toute façon que 12% de celle des USA. » Une remarque qui a surpris l'assistance, d'autant que M. Kacemi, en présentant son exposé, s'est montré très gêné de reprendre des chiffres de l'Office géo-stratégique de drogue (OGD), mais également de l'Office des Nations unies pour la lutte contre la drogue et la criminalité (Onudc). Il n'a cessé s'excuser auprès de l'hôte marocain en déclarant : « Excusez-moi Monsieur Jallal, ce que je vais dire n'est pas orienté contre notre ami le Maroc, mais ce sont des chiffres des ONG internationales. »