L'obligation entrepreneuriale est devenue incontournable et il n'y a plus une minute à perdre. La création et le développement des entreprises sont deux réponses essentielles aux enjeux auxquels nous sommes confrontés : sortir progressivement du cercle infernal de la dépendance de notre économie vis-à-vis des hydrocarbures dont les cours ne cessent de baisser. Aujourd'hui, la plupart de nos entreprises privées sont créées par nécessité («j'entreprends pour gagner de l'argent») et non par opportunité («j'entreprends pour conquérir un marché à partir d'une offre innovante»). La très grande majorité d'entre elles ne naissent donc pas pour grandir, et celles qui grandissent le font moins vite qu'ailleurs parce que la plupart d'entre elles raisonnent en trésorerie et non en compte d'exploitation, en flux de liquidités ou en relation sociale et non en prix de revient ou en accumulation. Il y a deux réponses à cette situation : - Le manque de culture d'entreprise et d'investissement : la logique du résultat immédiat a amené la plupart de nos entreprises à chercher la rentabilité la plus forte et la plus rapide possible, ce qui fait qu'on privilégie toujours l'activité achat-revente sans aucune valeur ajoutée qui ne profite en rien à l'économie du pays, au lieu de se lancer dans de vrais projets industriels, créateurs d'emplois et de richesse, qui contribuent au développement de l'économie. - L'incompétence du gestionnaire : l'entrepreneur a conscience des difficultés qu'il aura à maîtriser la gestion d'une unité plus importante. Il se sent plus à l'aise avec une petite unité correspondant à ce qu'il connaît déjà. Aujourd'hui, dans les pays développés, la gestion moderne de l'entreprise est portée sur une autre échelle, celle du futur, du prévisionnel, de la recherche et développement pour rester toujours compétitif dans un environnement concurrentiel féroce, où il n'y a pas de place pour les faibles. Alors que pour la plupart de nos entreprises, les comptes prévisionnels sont établis dans le seul cas où le banquier le demande, encore faut-il noter qu'il s'agit uniquement de prévision de trésorerie et non d'exploitation. Certes, une gestion prévisionnelle de l'entreprise ne peut négliger les aspects de trésorerie, mais doit se fonder aussi sur des plans de financement, précisant d'une part la nature et la quantité des ressources financières à mobiliser et d'autre part, les besoins nouveaux à financer : investissement, recherche et développement, besoin de trésorerie lié au cycle d'exploitation. Contrairement à ce que pensent certains qui résument le manque de réussite de notre entrepreneuriat à un niveau acceptable, au foncier industriel et au crédit bancaire, il s'agit beaucoup plus d'un problème d'idées, de culture de compétence, de clairvoyance et de visibilité. C'est pourquoi, il est aujourd'hui plus que nécessaire d'introduire l'enseignement de l'entrepreuneuriat au sein de nos universités et permettre à tout étudiant de l'enseignement supérieur de créer son entreprise sur son campus. Il s'agit de proposer un enseignement de l'entrepreneuriat structuré, de la sensibilisation à la création, dans toutes les filières de l'enseignement supérieur, au cours desquelles les étudiants pourront mûrir leur projet en trois phases : 1- Sensibilisation et apprentissage des concepts-clés 2- Etude d'un projet entrepreneurial 3- Création de l'entreprise - Développer dans les programmes de chaque école, université et formation post-bac deux modules de cours à minima : A - Sensibilisation à l'entrepreneuriat : rencontres avec des entrepreneurs de tous horizons, qui permettent de mieux cerner la motivation des étudiants et l'adéquation de leur personnalité avec les exigences du métier. Enseignement de la «boîte à outils» indispensable pour entreprendre (gestion de trésorerie, notions pratiques du droit des affaires, techniques de ventes et de marketing, utilisation des nouvelles technologies...) B - Analyse d'un «business plan» : définition d'un projet, positionnement sur son marché, évaluation des hypothèses d'activité et de charges, construction du plan de développement. - Mettre en place au sein de chaque pôle entrepreneuriat-étudiant : un incubateur mutualisé au bénéfice de toutes les structures d'enseignement du pôle, offrant les moyens techniques nécessaires à la création d'entreprises, une assistance au jour le jour et le tutorat d'un entrepreneur expérimenté. En faire un lieu d'effervescence entrepreneuriale, ouvert, décontracté et propice à l'innovation (par exemple sur le modèle du St Oberholzer Café de Berlin). Transmettre la culture et l'envie d'entreprendre aux étudiants, leur expliquer qu'on peut choisir sa vie professionnelle en portant son projet, défini à partir de ses envies et de son talent, dans sa propre entreprise ou dans celle d'un autre, au sein d'un groupe («intrapreneuriat») ou d'une association («entrepreneuriat social»). Cette sensibilisation doit également permettre de comprendre le fonctionnement du monde professionnel et d'une entreprise, de découvrir les différents secteurs, car aujourd'hui, de la discussion avec certains étudiants, on retient que les freins à la création d'entreprises restent l'aversion au risque en premier lieu, et quelques idées reçues tenaces («je ne peux pas entreprendre, car je n'ai pas d'idée, pas d'argent, pas d'expérience, pas de réseau).S. B.