Les accusations de l'émir du Qatar sont en corroborées quelque part par la volonté de Bahreïn d'exclure Doha du Conseil de coopération économique du Golfe (CCG). Du moins momentanément. Le chef de la diplomatie de Bahreïn a proposé en effet hier de geler l'adhésion du Qatar au CCG jusqu'à ce que cet émirat accepte les demandes de ses adversaires arabes. La crise du Golfe qui oppose depuis cinq mois le Qatar à ses puissants voisins du Golfe, dont l'Arabie Saoudite, n'est visiblement pas près de connaître son épilogue malgré les efforts de médiation du département d'Etat américain et du Koweït. La tension et la suspicion sont aujourd'hui telles dans la région, que l'émir du Qatar, cheikh Tamim Ben Hamad Al Thani, accuse l'Arabie Saoudite de vouloir le renverser. C'est, du moins, de la sorte qu'il dit décrypter le maintien par Riyad et ses alliés de leur blocus «politique» et «économique» contre les Qataris. «Ils veulent un changement de régime», a accusé dimanche l'émir, cheikh Tamim Ben Hamad Al Thani, dans l'émission «60 Minutes» de la chaîne américaine CBS. «L'histoire nous montre et nous apprend qu'ils ont essayé de faire cela auparavant, en 1996, après que mon père soit devenu émir. Et ils l'ont montré de manière si évidente au cours des dernières semaines», a-t-il soutenu. Vraies ou fausses, les accusations de l'émir du Qatar sont en tout cas corroborées quelque part par la volonté de Bahreïn d'exclure Doha du Conseil de coopération économique du Golfe (CCG). Du moins momentanément. Le chef de la diplomatie de Bahreïn a proposé en effet hier de geler l'adhésion du Qatar au CCG, jusqu'à ce que cet émirat accepte les demandes de ses adversaires arabes. La raison invoquée par Manama pour justifier sa demande ? Pour Bahreïn, c'est la seule manière de préserver le CCG de l'effritement ou de l'implosion. «La bonne démarche pour préserver le CCG consisterait à geler l'adhésion du Qatar jusqu'à ce qu'il revienne à la raison et accepte les demandes de nos pays. Autrement, nous serons mieux sans sa participation», écrit cheikh Khaled Ben Ahmad Al Khalifa sur son compte Twitter. Le responsable a averti d'ores et déjà que «Bahreïn ne participera pas à un sommet en présence du Qatar qui ne cesse de se rapprocher de l'Iran et de faire venir des forces étrangères (référence à des militaires turcs), ce qui est une menace pour la sécurité des membres du CCG». Guerre d'usure Les pays du CCG sont supposés tenir un sommet avant la fin de l'année, mais la crise avec le Qatar risque fort d'entraîner le report ou l'annulation de ce rendez-vous annuel des monarchies du Golfe, ainsi que le suggère d'ailleurs Bahreïn. Ce pays cherche clairement à convaincre ses partenaires de faire davantage pression sur le Qatar en mettant justement en jeu dans la balance sa place au sein du CCG. Fondée en 1981, cette structure comprend l'Arabie Saoudite, Bahreïn, les Emirats arabes unis, le Koweït, Oman et le Qatar. Bahreïn fait, rappelle-t-on, partie des quatre pays arabes qui ont rompu le 5 juin leurs relations avec le Qatar et lui ont imposé un embargo en exigeant notamment l'arrêt du soutien de Doha à des groupes «terroristes», allusion faite aux Frères musulmans, et la fermeture de la chaîne de télévision Al Jazeera, jugée «extrémiste». A cause de cet embargo, le Qatar n'a plus d'accès terrestre au reste du monde. Le «quartet» anti-Qatar dont fait partie l'Egypte a aussi imposé l'arrêt des liaisons aériennes et maritimes, forçant le Qatar à développer de nouvelles voies d'approvisionnement et à rechercher de nouveaux soutiens diplomatiques. En plus d'avoir donc fragilisé le CCG, de nombreux observateurs soutiennent que la crise du Golfe a eu pour effet également de jeter le Qatar dans les bras de l'Iran et de la Russie. C'est suffisant pour certains pour parler de défaite stratégique de l'Arabie Saoudite. La prudence doit toutefois rester de mise, car ce bras de fer régional est loin d'être terminé.