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Mohammed Ben Salmane fait bouger les lignes
l'Arabie saoudite en proie au changement : Le nouveau visage de la monarchie
Publié dans El Watan le 06 - 11 - 2017

Nouvelle démonstration de force pour le jeune héritier du trône. Selon la chaîne Al Arabiya, Mohammed Ben Salmane, âgé d'à peine 32 ans, a ordonné samedi soir une importante purge dans les cercles du pouvoir et les milieux d'affaires, qui s'est soldée par l'arrestation de plusieurs hautes personnalités saoudiennes.
D'après la même source, 11 princes, 4 ministres en exercice et des dizaines d'anciens membres du gouvernement ont été placés en «confinement».
Le prince et milliardaire Walid Ben Talal, très influent dans le monde des affaires, figure parmi les personnes arrêtées. Des chefs militaires en fonction ont également été limogés. C'est le cas, par exemple, du puissant patron de la Garde nationale, Miteb Ben Abdallah, qui fut un temps considéré comme possible prétendant au trône.
L'information a fait l'effet d'un véritable séisme en Arabie Saoudite, tant il était inimaginable, il y a encore peu, qu'un prince de la stature de Walid Ben Talal puisse être arrêté. La justice saoudienne n'avait pas encore rendu publics hier les griefs retenus à l'encontre des personnes arrêtées. Un ministre a cependant annoncé que leurs comptes bancaires seront gelés.
Cette purge intervient quelques heures après la création par décret royal d'une commission anticorruption. Dirigée par le prince héritier Mohammed Ben Salmane (MBS), en personne, cette structure est censée punir ceux qui auraient profité, ces dernières années, de leur position pour prendre de l'argent public ou le dilapider. Elle vient d'ailleurs de lancer une enquête sur les inondations meurtrières qui avaient dévasté, en 2009, la ville de Jeddah et fait plusieurs dizaines de morts.
Pourquoi une telle démonstration de force et spécialement maintenant ? Cette purge confirme-t-elle l'existence d'une lutte pour le pouvoir au sein de la famille royale ? Considéré actuellement comme l'homme fort du royaume, MBS chercherait effectivement, selon certains observateurs, à étouffer les contestations internes avant de succéder à son père, le roi Salmane, âgé de 81 ans. Et selon eux, cette succession pourrait avoir lieu plus vite que prévu.
En somme, MBS veut d'ores et déjà démontrer que c'est lui le patron et avertir qu'il n'hésitera pas à couper les têtes qui dépasseront. Depuis des mois, MBS n'a d'ailleurs pas arrêté de consolider son pouvoir et de faire le ménage autour de lui. Fin septembre, il avait déjà fait arrêter plusieurs dissidents, parmi lesquels des religieux influents. Ayant les coudées franches et étant assuré du soutien des Etats-Unis, le prince héritier veut imposer sa vision des choses, quitte à se débarrasser des voix dissidentes.
Rumeurs de complot
Des sources proches de la monarchie wahhabite soutiennent que ces arrestations pourraient être aussi une réaction à un complot en préparation par des opposants aux réformes économiques et sociales voulues par MBS. Des réformes qui, souligne-t-on, incluent une forme de sécularisation forcée de la société saoudienne. Des sources ont, à ce propos, confié à El Watan que des rumeurs sur une tentative de coup d'Etat ont circulé ces dernières 48 heures à Riyad.
Fin octobre dernier, MBS s'était engagé à casser les reins aux extrémistes religieux et à promouvoir une Arabie Saoudite tolérante et ouverte sur le monde. Auparavant, le prince héritier avait lancé plusieurs réformes, comme le droit de conduire pour les femmes, l'ouverture de cinémas et la construction de zones touristiques.
Il faut convenir que ces décisions marquent un bouleversement culturel et économique pour le pays. Pour ceux qui connaissent l'Arabie Saoudite, c'est carrément une révolution. Personne n'a fait bouger les lignes dans ce pays moyenâgeux autant que MBS. Forcément tous ces changements n'ont pas fait que des heureux.
Quoi qu'il en soit, c'est une purge sans précédent qui est en train de s'opérer en Arabie Saoudite. Les arrestations des princes et des ministres se seraient déroulées à la vitesse de l'éclair. Les forces de sécurité ont apparemment tout verrouillé. Plusieurs agences de presse rapportent que les avions privés sont restés cloués au sol dans les aéroports saoudiens pour empêcher toute fuite à l'étranger.
Signe que MBS ne reculera pas, le procureur général de l'Arabie Saoudite a promis hier une «ferme application» de la loi.
«Les suspects se voient accorder les mêmes droits et le même traitement que n'importe quel autre citoyen saoudien. La position et le statut d'un suspect n'influencent pas l'application ferme et juste» de la loi, a déclaré le procureur Cheikh Saoud Al Mojeb, qui fait lui-même partie de la nouvelle commission formée, conformément à un décret royal.
Dans son communiqué, le procureur général indique en outre que la commission anticorruption a ouvert «un certain nombre d'enquêtes» qui font partie de «l'obligation judiciaire de l'Etat de combattre la corruption». «Le gouvernement de l'Arabie Saoudite prend ces mesures conformément à ses lois et réglementations, et de manière appropriée, selon la nature des crimes.
Chacun est présumé innocent jusqu'à ce qu'il soit reconnu coupable, et les droits de chacun seront préservés», a-t-il encore insisté. Bref, c'est, semble-t-il, la fin des privilèges en Arabie Saoudite, y compris peut-être aussi pour les princes.


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