L'Arabie Saoudite s'achemine-t-elle vers une nouvelle ère politique ? Vit-elle, réellement, une «révolution» qui pourrait aboutir à l'émergence d'un pays modéré, ouvert et tolérant ? Les déclarations de l'homme fort du régime, le prince Mohammed Ben Salmane, stigmatisant les idées extrémistes, promettant de «les détruire maintenant et tout de suite», nous interpellent. Quel crédit accorder à de telles assertions, sachant que le royaume wahhabite a propagé, en Algérie et un peu partout dans le monde, cette idéologie dévastatrice et mortifère... Dès les années 1980, les Saoudiens appuient fortement l'apparition de mouvements islamistes algériens, prônant un islam radical et rétrograde et la propagation, dans notre pays, de visions sociétales archaïques. Ils recrutent massivement des étudiants qui seront formés selon l'idéologie wahhabite, mais revenant au pays pour encadrer des partis politiques naissants... Des jeunes sont enrôlés par l'ambassade saoudienne à Alger pour aller combattre en Afghanistan la présence soviétique. De retour en Algérie, «les Afghans» sèment la mort parmi les populations civiles.. Des transferts massifs d'argent sont opérés pour soutenir ces mouvements greffés dans le paysage politique algérien après les événements d'Octobre 1988, profitant de l'effondrement de l'appareil d'Etat, bureaucratique, incompétent et corrompu. Ce vide est comblé par l'islamisme politique naissant, s'appuyant sur les largesses de Riyad. Le prince Sultan Ibn Abdelaziz, ministre saoudien de la Défense, vend la mèche, le 16 mars 1991, dans un entretien à Al Charq El Awsat : son pays cesse de financer le FIS pour son soutien à l'Irak après l'invasion du Koweït. Personne à Alger ne donne du crédit au démenti prononcé du bout des lèvres par Abassi Madani. Les dirigeants du FIS sont dans l'embarras. Les autorités saoudiennes ont consacré, depuis 1979, la faramineuse somme de 70 milliards de dollars à la diffusion du wahhabisme dans le monde. Elles cherchent, entre autres, à contrer l'influence naissante de la révolution islamique iranienne. La monarchie saoudienne n'appréciait particulièrement pas l'Algérie des années 1970. Le défunt Houari Boumediène indisposait, au plus haut point, le régime saoudien par sa politique socialiste et de collectivisation des terres, ses positions anti-impérialistes et son rapprochement avec l'URSS et le bloc soviétique. Au plan pétrolier, c'est l'affrontement permanent. Au sein de l'OPEP, l'Algérie milite en dépit d'une production assez faible pour une valorisation des hydrocarbures. Elle réussit à fédérer bon nombre de pays autour de cette ligne stratégique de défense d'un nouvel ordre économique... Par contre, l'Arabie Saoudite ne veut pas gêner les économies des pays consommateurs, en préconisant un prix bas du pétrole. En 1986, c'est la rupture : Zaki Yamani ouvre les vannes, le marché est inondé de pétrole. Les prix dégringolent à 7 dollars le baril. Pour l'économie algérienne, c'est l'apocalypse. Les Saoudiens veulent affaiblir l'Iran, l'Irak et l'Algérie, où elle avance ses pions à travers le mouvement islamiste. En 1991, le FIS a failli prendre le pouvoir, le pays plonge dans la violence. Le nouveau discours des Saoudiens est-il crédible ? Sert-il uniquement ses intérêts à l'étranger ? Ils veulent faire croire que des réformes en profondeur sont engagées, mais iront-ils pour autant jusqu'à couper les ponts avec les Mokri et autres Frères musulmans algériens et les prédicateurs qui pullulent sur les chaînes privées algériennes ? Seront-ils en mesure de réparer les conséquences des alliances passées ?