Barakat ! (Djamila Sahraoui, Les arrêts du cœur (Hicham Ayouch, Maroc), La télévision arrive (Moncef Dhouib, Tunisie) et Bein Al Widan (Khaled Barsaoui, Tunisie). Il n'y a pas de grande bousculade dans la salle, alors que la grande salle voisine, qui programme l'opéra de Puccini La Tosca, est remplie chaque soir. Peu de gens ici ont vu le film de Khaled Barsaoui, mais Bein Al Widan est une œuvre très attachante. Le récit appartient à la tradition des « road movies », ça se passe entre Tunis et la frontière algérienne. Une femme infidèle quitte son mari le jour même de son mariage et fuit avec l'homme qu'elle aime. Là où ça devient intéressant, c'est quand cet homme révèle son passé. A l'époque de Bourguiba (mais ça continue encore), le régime tunisien menait une répression féroce contre les militants des partis clandestins de gauche. Leur seul salut, c'était de fuir vers l'Algérie qui avait accueilli à l'époque un grand nombre de réfugiés politiques tunisiens, pas seulement les communistes. Khaled Barsaoui (tuniso-algérien) a vécu cette aventure lui-même. Il a été pendant des années un de nos collègues journalistes à Alger, avant de retourner finalement en Tunisie pour entamer une carrière de cinéaste. Le traitement très inattendu et très plaisant à la fois de sa mise en scène, c'est les longs passages où il rend hommage au cinéma de Hitchcock. Les séquences de la poursuite en hélicoptère des fugitifs qui roulent vers la frontière algérienne sont d'une maîtrise étonnante. C'est une idée très forte et quasiment jamais encore vue dans un film arabe. Khaled Barsaoui prend soin de montrer, lors de quelques haltes dans le rythme endiablé de son film, les villages de la frontière qui furent des bastions des combattants du FLN pendant la guerre de libération. Rien que pour cette rétrospective historique, Bein Al Widan mérite amplement d'être distribué en Algérie (avis donc à nos distributeurs, qui vont se remplir les poches avec Casino Royal). C'est vraiment dommage en tout cas que peu de monde au Caire viennent voir les films du Maghreb. Nos collègues critiques misris préfèrent la grande salle Good News où sont programmés tous les films égyptiens nouveaux. C'est là où les stars paradent et où les spectateurs se bousculent pour pouvoir entrer. La faute aussi, c'est celle des cinéastes maghrébins eux-mêmes qui arrivent au Caire les mains dans les poches. Or l'élément déterminant du succès d'un film, c'est sa promotion (photos, tracts distribués, affiches collées partout). Un peu de travail dans ce sens aurait attiré du monde dans la petite salle de l'opéra. Il y a au Festival du Caire un petit groupe (cinéastes, producteur) de Sri Lanka. Ils abordent carrément les journalistes partout leur donnant des photos, des dossiers et leur disant : « Si vous n'allez pas voir notre film, vous allez manquer une production d'envergure ! » On y est allé.