Confrontée à la crise migratoire, la plus importante depuis la seconde guerre mondiale, l'Union européenne (UE), de sommet en sommet, peine à élaborer une approche commune pour résoudre le problème qui, a fait vaciller son unité en 2015 et menace de faire voler en éclat l'espace Schengen. En dépit des nombreuses mesures prises, l'Europe a fait face à un afflux de migrants qui ne cesse de s'intensifier depuis plusieurs mois, arrivant dans l'Union via la Méditerranée et les Balkans, depuis l'Afrique, le Moyen-Orient et l'Asie du Sud. Le phénomène s'est amplifié en 2015 avec l'arrivée en masse des réfugiés syriens venant de Turquie qui accueille déjà 2,2 millions et du Liban qui compte sur son territoire 1,5 million de réfugiés, ce qui a provoqué une crise à l'échelle européenne. Le conflit syrien a généré le plus important déplacement de population jamais enregistré dans le monde. Les Etats membres de l'UE ont enregistré plus de 410.000 demandes d'asile au cours du troisième trimestre 2015, alors que l'agence européenne de surveillance des frontières extérieures (Frontex) a recensé 350 000 entrées illégales durant les huit premiers mois de la même année. Pour expliquer l'accélération de la crise migratoire, le Haut-commissariat pour les réfugiés (HCR) s'est intéressé aux catastrophes humanitaires qui ont fait fuir ces populations. Il a dénombré, ces cinq dernières années, au moins 14 conflits qui ont éclaté ou repris: huit en Afrique (Côte d'Ivoire, République Centrafricaine, Libye, Mali, nord du Nigeria, République démocratique du Congo, Soudan du Sud et cette année au Burundi), trois au Moyen-Orient (Syrie, Irak, Yémen), un en Europe (Ukraine), trois en Asie (Kirghizstan, plusieurs régions du Myanmar et du Pakistan). Les itinéraires empruntés par ces réfugiés sont instables et changeaient constamment depuis l'été, s'adaptant aux différentes conditions locales, notamment à l'ouverture et à la fermeture des frontières entre les pays européens. Sur la route vers l'Europe du Nord, les possibilités de franchissement des frontières pour les réfugiés évoluent chaque jour notamment sur la route dite des Balkans. A chaque fois qu'un point de passage est bloqué, ils déplacent leur itinéraire vers un autre avec un seul objectif, atteindre l'Allemagne ou la Suède. Fuyant la Syrie, l'Irak, le Yémen, la Libye ou encore l'Erythrée en proie à de violents conflits, ces migrants cherchent à atteindre l'Europe parfois même au péril de leur vie. Suite à plusieurs tragédies, au bilan particulièrement lourd en Méditerranée, les dirigeants européens se réunissent le 23 avril en sommet extraordinaire pour trouver une solution à cet afflux massif de migrants, puis en mai, date à laquelle un agenda européen en matière de migration a été adopté par la Commission européenne qui a souligné la nécessité de mettre en place une approche globale de la gestion des migrations. Les appels à la mobilisation pour l'accueil des réfugiés, notamment syriens, se sont multipliés. L'Europe parie sur la Turquie pour stopper l'afflux des réfugiés Le 23 septembre, la Commission européenne présente un ensemble d'actions prioritaires à mener au cours des six prochains mois pour mettre en oeuvre l'agenda européen en matière de migration et prône une politique de quotas pour la relocalisation de 160.000 réfugiés. Cette politique a provoqué des tensions importantes entre les pays européens. Divisés, les dirigeants européens éprouvent toujours beaucoup de peine à s'entendre sur une politique migratoire commune. Alors que l'Allemagne a accueilli déjà près d'un million de réfugiés, les pays d'Europe de l'Est s'y opposent fermement. Minée par les égoïsmes nationaux qui rendent la mise en œuvre d'une politique migratoire commune impossible, l'UE s'est tournée vers la Turquie qui accueille déjà plus de 2,2 millions de réfugiés syriens sur son territoire et scelle avec elle un accord pour contenir le flot de réfugiés en échange de contreparties financières, mais surtout politiques. La Turquie d'où partent l'essentiel des réfugiés qui arrivent en Europe s'est engagée fin novembre à endiguer le flux des migrants vers l'UE qui devra en retour débloquer une aide de 3 milliards d'euros, appliquer une exemption de visa UE pour les 75 millions de Turcs, dès octobre 2016 et ouvrir de nouveaux "chapitres" dans ses négociations d'adhésion à l'Union, au point mort depuis deux ans. Avec l'Afrique, les dirigeants européens ont opté pour la mise en place d'un fonds doté de 1,8 milliard d'euros pour aider le vieux continent à lutter contre "les causes profondes" de la migration. Lors du sommet qui a réuni le 12 novembre dernier à La Valette (Malte) une cinquantaine de dirigeants africains et européens, ces derniers ont tenté de convaincre leurs partenaires d'accepter davantage de "réadmissions" de migrants africains en situation irrégulière. L'Algérie, le Niger et le Tchad, réunis début septembre à Alger pour examiner la situation dans la sous-région, avaient relevé "les proportions inquiétantes" prises par le phénomène global de la migration et ont appelé à sa prise en charge "en remédiant à ses causes profondes par le règlement des conflits et le soutien aux programmes de développement". Au sommet de La Valette, l'Algérie par la voix de son Premier ministre, Abdelmalek Sellal, avait mis en évidence les causes du mouvement migratoire actuel, notamment l'instabilité politique, les conflits armés, le terrorisme et sa jonction active avec la criminalité transnationale, ainsi que la pauvreté extrême dans des régions du continent africain. Elle a estimé que le traitement sécuritaire des questions migratoires ainsi que les politiques restrictives en matière de circulation de personnes "ne sont pas productifs", plaidant pour la concertation et la coopération dans ces domaines qui sont "la meilleure voie" pour les deux continents.