Coup de théâtre à l'Assemblée populaire nationale (APN). Vingt-quatre heures après la clôture des débats autour du projet de loi de finances 2018, les députés ont été surpris par une annonce qui fera, sans nul doute, polémique dans les prochains jours : la proposition de supprimer la mesure portant création d'un impôt sur la fortune. Cette dernière émane de la commission des finances et du budget de l'APN. C'est ce que nous avons appris auprès des membres de cette instance. Selon nos sources, la proposition a été faite, jeudi après-midi, en l'absence de beaucoup de représentants des partis de l'opposition. Qui est à l'origine de cette proposition d'amendement ? Et pourquoi supprimer cette disposition ? Annoncée, en octobre dernier, par le Premier ministre, Ahmed Ouyahia, la mesure a été introduite dans le projet de loi de finances (PLF) 2018 qui stipule, dans son article 12, que «l'impôt sur la fortune concerne les personnes physiques ayant des biens en Algérie et à l'étranger». Mais il semble que la décision ne fait pas l'unanimité, même au sein du gouvernement et ses proches soutiens. Et pour cause, ce sont les députés de la majorité, qui contrôlent l'ensemble des structures de l'APN, qui demandent l'annulation de l'impôt sur la fortune «au motif que l'impôt sur le patrimoine concerne tous les biens des personnes physiques». «Les membres de la commission auteurs de cette proposition justifient aussi leurs positions par l'absence des mécanismes permettant l'évaluation de la fortune», nous déclare Ouamar Saoudi, député du RCD et membre de la commission des finances, précisant que «ce sont les députés du RND et du FLN qui ont signé la proposition». «Jeudi, c'était le dernier jour de travail de la commission qui a entamé l'examen des amendements proposés par les députés, depuis mercredi après-midi. Et jusqu'à 13h, aucune proposition de ce genre n'était à l'ordre du jour. Ce n'est que ce matin que j'ai appris la nouvelle. Les membres de la commission n'en savaient rien», précise, pour sa part, Ahmed Cherifi, député du MSP et membre de ladite commission. «Influence des riches» Précisant que son parti avait déjà expliqué que «cette mesure existe déjà dans l'impôt sur le patrimoine», Ahmed Cherifi n'écarte pas «le fait que la commission des finances a agi sur injonction venue en dehors de la Chambre basse du Parlement». «C'est une preuve supplémentaire que l'Assemblée ne légifère pas et que la loi ne s'applique pas aux riches. En revanche, ce sont les pauvres qui auront à assumer le poids de l'austérité à travers les différentes taxes qui impacteront négativement sur leur pouvoir d'achat», explique-t-il. Ouamar Saoudi avance la même explication. «Il est évident que les députés du FLN et du RND au niveau de la commission ont été instruits pour faire cette proposition. Maintenant, il faut attendre la réaction de cette même majorité en plénière, le 26 novembre prochain, lorsqu'il y aura le vote sur ce projet », observe-t-il. Selon lui, «cette mesure était en réalité populiste». «Nous l'avons dit dès le départ. Par cette disposition, le gouvernement voulait clore le débat sur l'informel et l'enrichissement illicite avant qu'il ne soit ouvert. C'est une sorte de caution légale à des fortunes mal acquises», souligne-t-il. Ouamar Saoudi rappelle que le gouvernement voulait, dès le départ, se contenter de l'application de l'impôt sur le patrimoine «qui ne demande pas des mécanismes nouveaux» et attendre la «modernisation du système fiscal et d'avoir un fichier fiable afin de pouvoir mettre en application l'impôt sur la fortune». «En tout cas, beaucoup de députés du FLN et du RND étaient contre la mesure par principe», dit-il. Scandalisée par cette annonce, la députée du Parti des travailleurs (PT), Nadia Chouitem, dénonce la «complicité entre le gouvernement et les députés». «Déjà dans l'exposé des motifs concernant l'article 12 du PLF-2018, le gouvernement ne donne aucun motif pour justifier cet impôt. De plus, il reconnaît l'échec du système des déclarations et la faiblesse du recouvrement, sans pour autant proposer une solution pour palier cette défaillance. Ça sent l'hésitation dès le départ», explique-t-elle, regrettant le fait que des «députés défendent les ultra riches».