Un mois après le double attentat au camion piégé devant les commissariats de Réghaïa et de Dergana, à l'est d'Alger, les premières sanctions viennent de tomber. Ainsi, selon des sources sûres, les deux chefs de sûreté de daïra de Rouiba et de Dar El Beïda ainsi que les chefs des Brigades mobiles de la police judiciaire ont été mutés après avoir été déférés devant la commission de discipline par le premier responsable de la Sûreté nationale, quelques jours seulement après le double attentat. Les quatre responsables devaient être dégradés puis mutés pour négligence, mais la commission a finalement tranché pour leur mutation, a-t-on appris auprès de nos interlocuteurs. Ainsi, le chef de sûreté de daïra de Rouiba a été muté à Tamanrasset et celui de Dar El Beïda à Illizi. Pour sa part, le chef de Brigade de police judiciaire de Dergana a été affecté à IIlizi et son collègue de Rouiba à Tamanrasset. Ces sanctions sont les premières du genre et montrent la célérité avec laquelle le premier responsable de la Sûreté nationale a répondu à une préoccupation générale, liée à un grave manque de vigilance remarquée depuis l'été dernier. Si la mesure peut être considérée comme louable, il n'en demeure pas moins qu'elle a suscité de lourdes interrogations. En effet, les sanctions décidées par la Direction générale de la Sûreté nationale (DGSN) ont été prises contre deux chefs de sûreté de daïra, des responsables qui n'avaient pas de relations directes avec la lutte antiterroriste. De plus, il est tout de même curieux de voir les officiers des deux commissariats, ciblés par les véhicules piégés, sanctionnés pour défaillance alors que leur responsable hiérarchique a lui aussi une part de responsabilité dans cette négligence à partir du moment qu'il est tenu de veiller au contrôle des brigades qu'il dirige et de ce fait insister à chaque fois sur les consignes de sécurité. En outre, il est important de rappeler que le double attentat du 30 octobre dernier avait mis à nu de lourdes failles dans tout le dispositif de sécurité. Des failles constatées d'ailleurs bien avant, et ce, depuis l'été dernier à travers la multiplication d'attentats à l'explosif. Les lieux ciblés par les groupes armés ne se situaient pas uniquement dans des zones intra-muros sous le contrôle de la police, mais également dans celles dites extra-muros, dépendant de la Gendarmerie nationale. La question qui reste posée est de savoir pourquoi les mesures disciplinaires ont visé uniquement des policiers -qui de surcroît étaient loin d'être les seuls responsables - et non pas les chefs des autres corps de sécurité, tout aussi engagés que les policiers dans la lutte contre le terrorisme. Pour les nombreux spécialistes de la question sécuritaire, la baisse de vigilance et le dysfonctionnement dans le dispositif de sécurité ont pour origine les discours politiques des plus hautes autorités du pays. En effet, à travers un vrai matraquage, le pouvoir a durant des mois fait état de la fin du terrorisme, réduit à quelques groupes confinés dans les maquis, grâce aux dispositions de la charte pour la paix et la réconciliation nationale. Ces discours ont eu, selon des sources sécuritaires, des répercussions très négatives sur la lutte antiterroriste. « Une activité intense des groupes armés, notamment en matière de recrutement et de renforcement de la logistique, a été notée, mais sur le terrain, la réaction était réduite presque à néant. De nouveaux réflexes se sont installés chez certains agents chargés de la lutte antiterroriste au point où ces derniers ont perdu l'avantage de l'initiative et sont devenus comme des fonctionnaires administratifs. Ce qui explique les situations du double attentat. C'est-à-dire des terroristes armés qui viennent garer deux poids lourds bourrés d'explosifs devant des Brigades de la police judiciaire sans être repérés », a déclaré notre source. Notre interlocuteur a estimé que la lutte antiterroriste « est l'affaire de tous. Elle ne connaît ni la nuit ni le jour et ne doit tenir compte d'aucune considération politique parce que tant qu'un seul homme armé reste dans les maquis, il peut faire des dizaines et des dizaines de victimes ». Le double attentat de Rouiba, faut-il le préciser, a provoqué un déclic au sein de tous les services de sécurité, au point où d'anciennes mesures que l'opinion publique croyait révolues sont revenues. Des barrières ont été réinstallées aux alentours des commissariats, bloquant ainsi l'accès à tous les véhicules. Mais souvent elles engendrent des encombrements et des désagréments aux riverains soumis à des contrôles rigoureux.