C'est un véritable pavé, que le Syndicat national des techniciens de la maintenance aérienne (Sntma), vient de jeter dans la mare en s'adressant, dans un communiqué, au premier responsable d'Air Algérie. A l'issue d'une réunion tenue mardi dernier par son conseil national à Alger, le syndicat a rendu publique une déclaration, dans laquelle il fait des révélations extrêmement graves sur la situation de l'entreprise, répondant point par point aux propos de leur premier responsable. Il commence par évoquer le retrait des trois Boeing 767 du service qui sont, selon le PDG, «dans l'attente d'acquéreur pour une ultime utilisation en tant que pièces détachées». «L'histoire à tendance à se répéter et nous n'apprenons jamais de nos erreurs passées, rappelons-nous quel a été le sort des flottes B727, B737 et A310. En effet, aujourd'hui, nous revivons le même scénario. Air Algérie a depuis peu mis ces avions en chantier et dépensé des sommes colossales tant en dinars qu'en dollars pour leur rénovation, afin de les rendre opérationnels et renforcer la flotte actuelle. Pour ce faire, des retraités spécialistes sur ce type d'appareil ont été recrutés, il y a eu mobilisation du personnel et du matériel, de la pièce détachée neuve a été utilisée et même achetée de l'étranger, et le plus pertinent est que ces avions sont toujours en exploitation sur des vols nationaux et internationaux», a déclaré premier responsable d'Air Algérie. Le Sntma regrette que le PDG ait qualifié de «délabrés» les avions mis en vente ; ce qui, pour eux, constitue «un point de négociation en faveur de l'acquéreur, et par conséquent, ces avions vont être cédés une fois de plus, pour une bouchée de pain». Tout en rappelant l'appel du gouvernement pour l'investissement privé pour le transport de marchandises, aérien ou maritime, étant donné que ce marché est encore vierge et que stratégiquement parlant, il pourrait être très fructueux pour l'Etat algérien, le syndicat note que le PDG de la compagnie nationale «prétend que les avions cargos d'Air Algérie, qui ne transportent que de la pomme de terre et des légumes, ne sont pas rentables et sont souvent cloués au sol faute de marché». Il est important de rappeler qu'Air Algérie a récemment acheté deux avions de type Boeing B737-700C (C pour convertible cargo-passagers), immatriculés 7T-VKS et 7T-VKT. Etant une des très rares compagnies à avoir fait cette acquisition, Air Algérie a payé très cher ces deux appareils, par rapport à un avion conventionnel, sachant que leur maintenance est très coûteuse, vu leurs spécificités et leurs caractéristiques. DES AERONEFS MAL EXPLOITES Depuis leur arrivée, ces aéronefs ont peu volé, ce qui démontre leur non-rentabilité d'un point de vue exploitation et non pas pour autre chose. «Néanmoins, et dans le même volet, vu que le secteur du fret reste infructueux pour la compagnie, selon les proclamations du PDG, alors une question se pose : pourquoi modifier un autre Boeing, en l'occurrence un B737-800 immatriculé 7T-VJJ, en version cargo pour la somme de 5 000 000 de dollars, opération qui se déroulera sur 4 mois, en Chine, à partir de janvier 2018 ?» Abordant la question liée à l'acquisition d'avions et la situation financière de l'entreprise, le syndicat de la maintenance se demande : «Comment peut-on acheter de nouveaux appareils alors que la flotte actuelle reste sous-exploitée ? Pis encore, depuis son arrivée à ce poste, le PDG ne cesse de proclamer haut et fort que la situation financière est alarmante et que tous les indicateurs sont au rouge, en témoigne son communiqué du 19 novembre adressé à tout le personnel d'Air Algérie. Cela dit, la compagnie est donc dans l'incapacité d'honorer ses créances, et plus particulièrement dans la maintenance, d'où l'impossibilité de payer les fournisseurs de pièces de rechange pour avions, ce qui ne peut que se répercuter directement et d'une manière néfaste sur l'activité et la productivité de la maintenance avion. Nous le constatons d'ailleurs par la mise à l'arrêt de plusieurs appareils pour manque de pièces, et par les contraintes rencontrées durant les opérations de maintenance. Toute cette manœuvre n'est-elle pas entreprise par l'employeur dans le but d'atteindre un objectif bien précis et programmé par la nouvelle Direction Générale ? D'ailleurs restons dans le contexte de cette pseudo-crise financière que traverse la compagnie, après les immenses efforts fournis par le personnel de la maintenance pour que les périodes estivale et celle du hadj soient totalement réussies, ajoutant à cela le chantier de l'ATR de Tunis-Air, de facto une question vient à l'esprit : qu'a-t-on fait des bénéfices financiers tirés de ces campagnes ?» Le Sntma revient sur la problématique de la filialisation, en disant qu'il s'est toujours exprimé «en faveur des projets de développement qui peuvent être bénéfiques à la compagnie et aux travailleurs». Cependant, il déplore «le fait que les partenaires sociaux soient informés d'un projet d'une telle envergure par médias interposés». Il rappelle que ce projet date «de plus de 17 ans» et que «les tendances mondiales actuelles, après les dernières crises financières, s'orientent vers les regroupements, étant donné que les modèles de filiales n'ont pas débouché sur les résultats escomptés». Sur la question salariale, le syndicat rappelle les engagements de la direction générale, «à présenter une proposition écrite que le Conseil du Sntma doit étudier. A ce jour, nous n'avons encore rien reçu, et c'est pour cette raison que nous avons envoyé deux courriers pour rappeler que la date butoir du 31 décembre, pour l'application de l'accord, est pour demain». Un autre point sur lequel le syndicat s'est attardé, celui lié au recrutement en CDD (contrat à durée déterminée). «Nous avons vécu, avec amertume, il y a deux semaines, la mise de fin de contrat de nos jeunes collègues mécaniciens et ingénieurs, nouvellement recrutés. Nous sommes tous conscients que cet acte de l'employeur n'était que représailles par rapport au dernier mouvement de protestation entrepris par le personnel de la maintenance dans le cadre de sa revendication salariale. Il est utile de savoir que ce recrutement a été effectué d'une manière non réglementaire vis-à-vis de la loi et du code du travail et raison pour laquelle le Sntma s'est adressé à l'Inspection générale du travail ; laquelle a pris en charge ce dossier. De par la loi, le Sntma a saisi l'Inspection du travail, par le biais de plusieurs courriers, démontrant l'illégalité de cette procédure et en réclamant, selon ladite loi, la régularisation de nos collègues par le changement de la nature de leurs contrats de CDD à CDI». De son côté, Allèche Bakhouche, directeur général de la compagnie, se dit «étonné» de la lecture du contenu de son communiqué adressé au personnel. Contacté, il a déclaré : «Mes propos reflètent la réalité de la situation de l'entreprise. Je n'ai dit que la vérité que toute le monde connaît. Certaines de mes déclarations ont été mal interprétées par la presse et ce qui a suscité une mauvaise lecture par le syndicat. Nous avons des canaux de communication qui aident à résoudre les problèmes et à éviter à la compagnie des polémiques sans fin ».