La défection des jeunes à l'égard des urnes s'explique par leur défiance envers le gouvernement, auquel ils n'accordent pas une once de crédit. Pour des milliers, voire pour des millions de jeunes Algériens en âge d'étudier ou de travailler, le vote est vu plus comme un marché de dupes dont les premières victimes sont les «non-pistonnés», les moins «épaulées» par les hommes placés dans les hautes sphères de l'administration, du gouvernement et de l'Etat. Le vote est perçu par eux plus comme un moyen de reconduire les mêmes figures politiques désuètes, pâles, défigurées et vieillottes, à la tête du gouvernement, que destiné à changer radicalement leur présent et avenir, qu'ils voient grevé d'incertitudes et d'hypothèques. Lorsque l'on voit des milliers de jeunes se pressaient devant les chancelleries occidentales à Alger pour solliciter des visas de «touristes» ou d'études, et lorsque l'Institut français d'Alger (ex-Centre culturel français) se trouve régulièrement pris d'assaut par une foule de jeunes en quête des mêmes documents qui leur permettront de quitter le pays sans retour, on comprend dès lors le peu de confiance que ces masses accordent au vote et, partant, au gouvernement Quant aux personnes âgées, troisième et quatrième âge, elles n'ont en vue que «la sécurité», la paix et la stabilité du pays. Or, pour ces personnes, Bouteflika aura été leur «garant» essentiel. Outre ce sentiment rassurant, ces personnes âgées savent gré au Président d'avoir, dès son «intronisation» à la tête de l'Etat, institué des primes et des bourses en faveur des indigents et aux catégories à faibles revenus (chômeurs depuis la naissance, femmes divorcées, veuves…). Ces filets matériels de sécurité auront joué un rôle déterminant dans la participation de ces catégories au vote. L'absentéisme des jeunes tient lui à plusieurs facteurs, dont le plus déterminant est l'absence quasi absolue de confiance dans le gouvernement actuel et dans le pays dont ils voient l'avenir sans perspectives pour eux, et des plus sombre. D'où l'envie qui les prend de quitter le pays à destination de l'Eldorado de leur rêve : l'Europe. Le phénomène des harraga, qui s'échouent au large des côtes, en est le témoignage éclatant. Le manque de perspectives économique, démocratique et de justice sociale, joint à la morosité de l'ambiance sociale, voilà qui détourne les jeunes du vote, du pays et même de l'amour de la patrie. Pour inverser cette tendance à la fuite des énergies de la nation, de ces forces vives, au profit d'autres pays, il n'est de meilleure politique que de revoir de fond en comble les modalités d'allocation des ressources, et la manière dont sont accordés les crédits à des entreprises publiques et privées dispendieuses, et souvent corrompues ; toutes les entreprises qui ne génèrent ni richesse ni emploi des jeunes, devraient être redressées, et l'Ansej, qui a été sans doute créée avec de bonnes intentions, est devenue, comme chacun le sait, non pas un employeur de jeunes, mais le corrupteur d'une bonne part d'entre eux… C'est en mettant fin au gaspillage des deniers publics et en accordant la priorité à la compétence et aux investissements productifs que l'on pourra retenir ces jeunes rivés au terroir.