Quelques dizaines de personnes ont répondu à l'appel de l'Association culturelle de l'université de Béjaïa pour «La marche des bougies», commémorant la disparition tragique, il y a 23 ans, du journaliste Saïd Mekbel. Dimanche 3 décembre, 18h. A la rue de la Liberté, une procession d'étudiants de l'université Abderrahmane Mira de Béjaïa se dirige silencieusement vers la place Saïd Mekbel, des bougies et des pancartes entre les mains. Aussitôt le buste en bronze du journaliste assassiné entouré par les manifestants, des bougies ont été allumées au pied de la stèle. On pouvait lire sur les écriteaux brandis par les manifestants «Ne touche pas à ma liberté d'expression», et «C'est l'encre qui doit couler, pas le sang», entre autres. Quelques dizaines de citoyens, des journalistes, des militants associatifs, des syndicalistes, bravant le froid et la pluie, ont répondu à l'appel de l'association culturelle Amazday Adelsan Inelmaden (AAI) de l'université de Béjaïa pour «La marche des bougies» et un rassemblement symbolique pour commémorer la disparition tragique, il y a 23 ans, de l'ancien directeur du défunt quotidien francophone Le Matin, Saïd Mekbel, tué lâchement par un islamiste armé, à Alger. Pour rappel, Saïd Mekbel a été assassiné pendant qu'il prenait son repas dans une pizzeria, près du siège de son journal, dans un quartier populaire d'Alger. Un terroriste muni d'une arme de poing sort des toilettes de la pizzeria, se dirige vers le journaliste et lui tire deux balles dans le corps. La victime décède le lendemain à l'hôpital militaire de Aïn Naâdja. Avant la prise de parole, une déclaration de l'AAI a été lue à l'assistance. D'emblée, les initiateurs de cette marche constatent avec amertume que «aujourd'hui, les acquis fondamentaux arrachés par nos prédécesseurs sont remis en cause (…). Le pouvoir algérien, fidèle à ses manœuvres dictatoriales et à son caractère policier, tente par tous les moyens d'étouffer toute voix libre qui consiste à conscientiser les masses populaires, à éclairer l'opinion publique sur les vrais défis du moment et à dénoncer leurs plans diaboliques visant à assurer leur pérennité». Et ce, par la restriction des libertés individuelles et collectives, l'interdiction des marches, des rassemblements et des activités politiques dans les espaces publics et les menaces et l'emprisonnement des journalistes qui sont parfois réduits au silence ou contraints à l'exil. Le musellement de la pensée libre n'a pas épargné l'université. Issus de cet espace du savoir, les étudiants rendent compte de la dégradation du niveau et de la qualité de l'enseignement et du revirement voulu de la vocation de cette institution. Ils observent à ce sujet que «les autorités ont mis en place un plan machiavélique visant à dépolitiser l'université et à la garder loin de la vie publique et s'acharnent à détruire les cadres d'organisation et d'expression libre de l'étudiant». En effet, cet espace qui doit être, selon l'association, «un milieu de rayonnement culturel, intellectuel et l'avant-garde des luttes et de la société est loin d'accomplir sa mission fondamentale, celle de perpétuer le souffle de la liberté». Les organisateurs ont appelé tout un chacun à se mobiliser et à s'organiser pour se «réapproprier les espaces d'expression, les libertés et arracher ses droits par le retour et à travers le combat politique, culturel, social et identitaire». Dans le même contexte, les étudiants ont profité de cet hommage pour dénoncer le rejet, par la commission des finances de l'Assemblée populaire nationale, de la proposition de Chouitem Nadia, député du Parti des travailleurs (PT), qui consiste en «l'augmentation du budget consacré à la promotion de la langue amazighe dans le projet de la loi de finances pour l'année 2018». Les étudiants ont qualifié ce rejet de la proposition d'amendement de la part de la commission de «dérive antinationale et antipopulaire». Le militant associatif, Yanis Adjlia, a indiqué dans son intervention que le pouvoir ne cherche pas seulement à traquer les journalistes professionnels et l'étouffement de leurs journaux respectifs. Il atteste que «des gérants de pages Facebook ont été auditionnés par la police sur le contenu de leurs publications», avant de leur exprimer son soutien. «Le journalisme citoyen» dérange et n'est pas, apparemment, toléré par les autorités. Notons enfin que le fils du défunt journaliste, Nazim Mekbel, a rendu, pour sa part, un hommage à l'Association des étudiants de Béjaïa, l'AAI. Il a écrit sur sa page Facebook que «ces jeunes, qui, chaque année, commémorent Saïd Mekbel, sont l'avenir de ce pays qu'il (Saïd Mekbel) aimait tant et qu'il décrit, dans la chronique ‘‘Mesmar J'ha‘‘»