Durant plus de deux heures, l'écrivain, scénariste, parolier et metteur en scène français, Jean-Claude Carrière, a captivé l'assistance par les informations importantes apportées sur l'écriture du scénario. Réputé pour ses brillantes adaptations littéraires, théâtrales, cinématographiques et télévisuelles, Jean-Claude Carrière a soutenu que le XXe siècle a été un immense inventeur d'écritures diverses. Selon lui, c'est un siècle qui a inventé de nouveaux langages. «Si nous étions aujourd'hui, dit-il, à la fin du XIXe siècle, nous ne pourrions parler que de littérature, de théâtre et d'opéra. Mais imaginez tout ce qui a été inventé depuis cette date-là. A commencer par le cinéma muet. Il y a eu la radio, qui a permis de transporter au loin notre voix, qui est un rêve très ancien de l'humanité. Il y a eu l'héritage de la télévision, qui a permis de transporter au loin, non seulement notre voix, mais aussi nos images, et même quelques fois, au moment même où elle passait dans un endroit du monde, nous permettait de la voir chez nous. Et puis, il y a eu l'enregistrement du son, de la voix, de la parole et de tous les sons du monde qui n'existaient pas jusque-là». Jean-Claude Carrière note que nous n'avons aucun son du passé et encore moins un son de foule, ou encore un son de l'écrivain Victor Hugo. Pour ce spécialiste, tout commence à partir du XXe siècle. Tout le reste de l'histoire est silence. Le XXe siècle est le premier siècle qui va laisser des sons au futur, qui permettra d'écrire l'histoire d'une manière plus enrichie et tout à fait différente de ce qu'elle était jusque-là. Bien qu'âgé de 86 ans, Jean-Claude Carrière continue de travailler en s'intéressant aux innovations techniques. Il confie que quand il a fondé, en 1986, l'école française du cinéma, qu'il a présidée pendant dix ans, il a dû, non seulement apprendre, mais aussi enseigner. Il indique que chaque nouvelle forme d'expression exige une nouvelle écriture. Toujours selon notre interlocuteur, on ne peut écrire du cinéma comme on écrit du théâtre, ou encore de la littérature. Toute nouvelle forme d'expression invente une nouvelle écriture. Le XXe siècle est considéré comme un immense inventeur d'écritures diverses, avec différents styles littéraires. Preuve en est, le film documentaire et le film de fiction sont des activités de l'esprit et du corps tout à fait différents. Il explique qu'on ne procède pas de la même façon dans un film documentaire que pour un film de fiction. «Un documentaire n'est pas seulement un reflet de la vérité. A chaque fois que l'on écrit ou que l'on filme quelque chose, on transforme cette réalité. Ce n'est plus la réalité elle-même. C'est une réalité filmée, transposée, écrite, rédigée et décrite. Un festival comme celui où nous sommes aujourd'hui est un endroit idéal pour se poser des questions et pour essayer de réaliser dans quel monde nous vivons et dans quelle technique nous sommes obligés de travailler». Son premier contact avec la fiction a été un roman qu'il a publié aux éditions Laffont, alors qu'il avait 23 ans et qu'il était étudiant. A l'âge de 18 ans, il avait le titre de délégué à la propagande du ciné-club universitaire, qui consistait à distribuer des tracts sur le boulevard Saint Michel à Paris. Jean-Claude Carrière rappelle que le cinéma, qui a plus de cent ans d'âge, mérite son langage. «Le cinéma a un langage qui lui est propre. Il faut connaître ce langage si on veut devenir scénariste. Comme je le dis à mes étudiants à la fin d'un tournage, le scénario finit dans la poubelle du studio. Il n'a plus d'existence. Il faut admettre qu'on travaille dans le provisoire». Lors du débat avec le public, le conférencier rafraîchit les mémoires en évoquant le film intitulé C'était la guerre, réalisé conjointement entre l'Algérie et la France. Ce film a été construit sur les regards croisés portés sur le conflit par le réalisateur français, Maurice Failevic, et par le réalisateur algérien, Ahmed Rachedi, et ce, à partir des livres de Jean-Claude Carrière, La paix des braves, et du commandant Azzedine, On nous appelait fellaghas. «Cela n'a pas été facile, reconnaît-il, de réaliser un tel film. C'était une tentative très rare dans l'histoire. Si ce film est passé une seule fois en France, en Algérie il n'est passé aucune fois. C'est un film qui a eu le Grand Prix au FIPA et depuis il est enterré. Si vous partez à l'INA, vous ne trouvez plus de trace de ce film. Il existe en cassette vidéo. Et maintenant, dans la liste des films faits sur la guerre de Libération, il n'y figure plus. C'est un film qui a été étouffé et effacé» déplore-t-il.