Alors que c'est l'Université américaine du Caire qui lance le festival-off Naguib Mahfouz, avec les grandes œuvres tirées des archives et même un remake mexicain de Bedaya wa nehaya, la salle Good News poursuit les films en compétition. Chaque film égyptien montré au festival fait l'objet de débats serrés, houleux parfois, avec échanges d'insultes (la langue foul, comme on dit au Caire, c'est-à-dire bassement populaire...). L'autre soir, une journaliste, qui demandait quelle part l'argent sale entrait dans la production d'un des films en compétition a failli déclencher une bagarre avec le producteur du film... Il y a toujours des sceptiques parmi les critiques égyptiens pour se demander d'où vient l'argent, qui est derrière les films ? Les producteurs (officiels, inscrits au générique) écartent toujours ce genre de questions. Motus et bouche cousue. Apparemment, le cinéma égyptien fonctionne très souvent comme ça. Au Caire, il y a la fièvre des affaires, et le cinéma n'échappe pas à l'argent qui change de main dans le pur style mafieux. Ainsi, le digne producteur s'est violemment offusqué qu'une dame très respectée dans le domaine de la critique misrie ose poser la question. Devant sa réponse impolie, un autre critique, célèbre aussi, Yahia Zakaria s'est levé, pour défendre sa collègue, et a déclenché un remous considérable, qui a failli tourner à l'affrontement physique... Ainsi vont les bonnes soirées du Caire. Il y a toujours cette tendance à polémiquer. Ensuite, entre deux projections tout le monde bavarde gentiment en sirotant du thé à un rythme soutenu. En attendant la prochaine esclandre. Dans l'alignement des films américains au programme, on a repéré un ou deux qui valent vraiment le détour. Celui de Jim Jarmush, Broken Flowers où un homme éperdu de solitude remonte les années de sa vie brisée et tente de retrouver toutes les femmes qu'il a aimées. Jim Jarmush prend la tension (sociale) de l'Amérique actuelle à travers cette œuvre bourrée de talent. Un autre film sur le Nine Eleven qui sévit encore comme un traumatisme national en Amérique : City Duty de Jeff Renfoe (où l'acteur égyptien Khaled Abul Naga joue le second rôle). La tragédie de septembre 2001 a déjà suscité pas mal de fictions. On dirait que tous les scénaristes américains ne travaillent que sur ça. C'est un film sur la peur du terrorisme. Un type, qui passe son temps scotché aux « Cable News », obsédé par la tragédie du 11 septembre, comme tous les Américains ordinaires dont l'univers mental est façonné par Fox News et CNN, voit un jeune étudiant musulman s'installer dans le voisinage. Il est persuadé qu'il a affaire à un dangereux terroriste qui prépare un complot contre l'Amérique. Prise d'otages, scènes violentes du cinéma dur à la Sam Pekinpah. Finalement, une descente de police et le dangereux Américain est emmené dans un asile d'aliénés. Happy end après les sueurs froides. Les agressions contre les musulmans aux Etats-Unis prennent un tour dramatique. Un film comme City Duty, qui porte un regard très critique sur ce problème, pourra-t-il faire baisser la tension ?