Il y a les voiles blanches des barques qui naviguent sur le Nil. Il y a les voiles noirs des femmes dans la rue, les qamis et les barbes des hommes qui marchent devant. Le Caire a une légende. Le voyageur sait d'avance ce qui l'attend ici. Pollution, chocs automobiles, gaz d'échappement, frères musulmans... De robustes cerbères veillent avec leurs chiens à l'entrée du Hyatt, quartier général du Festival du Caire. Dans le territoire luxueux de ce palace, il y a des écrans de cinéma. Il ne reste plus qu'à s'installer et à commencer la chronique d'une brassée d'images, la quête de l'objet rare au milieu d'une pile de bobines venues de partout. Les films d'Asie surtout resteront en mémoire. Les films égyptiens pas tellement. On se souviendra des débats houleux sur les fameuses combines et la coexistence secrète du cinéma en Egypte et l'argent d'origine douteuse. Les critiques du Caire (toute une flopée qui ne sèche jamais une production locale) ont fait des chroniques sévères à ce sujet et fait vibrer leurs cordes vocales à chaque débat. Le problème est sérieux, comme en Inde où les magnats de Bollywood ne sont pas non plus des enfants de cœur. Quand au Caire le nom d'un homme d'affaires connu dans le secteur féroce de la corruption est jeté en pâture dans un débat, un vent de révolte souffle sur l'assistance. On comprend alors que ce grand lessivage public était utile pour sauver ce qui reste (d'honnête) dans le cinéma égyptien. Cela dit, dans ce grand palace aussi luxueux que le Château de Versailles, on respirait un air serein. Dès que la salle Godd News était plongée dans le noir, tout allait bien, les passions se calmaient. Redoutant le piratage, à toutes les séances, les employés de la salle parcouraient constamment les allées pour débusquer la moindre caméra, le moindre téléphone portable nouvelle génération. Si le cinéma d'Europe et d'Amérique latine ne s'est guère montré à son avantage au Caire, le cinéma d'Asie a suscité une admirable passion cinéphile. Après le triomphe de la Mostra de Venise, le cinéma chinois a été au Caire applaudi et couronné. Un brin nourri de l'histoire de la Chine, The Road (Pyramide d'Or) est une œuvre pleine d'émotion avec une mise en scène remarquablement vivante. Deux salles au Caire jouaient le jeu de la concurrence. Quand Good News du Hyatt passait les films égyptiens avec irruption de foule et pas un siège libre, la petite salle de l'opéra montrait les films du Maghreb sans un chat ou presque devant l'écran. Il ne faut pas se voiler la face, le cinéma maghrébin n'a pas le vent en poupe en Egypte. Il passe dans le vide. Le public misri n'accroche pas à l'arabe maghrébin. Contrairement à ce qui se passe à Rabat, Alger ou Tunis où les fictions d'Egypte de forme souvent infantile proliférant sur les petits écrans. Qui pourra plaider un jour pour que les choses s'inversent ? Dresser un bilan du dernier Festival du Caire sans parler des griseries des fêtes de la nuit serait injuste. Toutes les nuits ou presque, toute affaire cinématographique ressente, on naviguait sur le Nil dans des embarcations transformées en Night Clubs. Robes chatoyantes et croupes ondoyantes des stars mettaient une sacrée ambiance. Magique vision du Caire la nuit, tandis qu'une volée de danseuses des années égarées au milieu de l'orchestre tentaient de rappeler l'art de la mythique Tahia Carioca. La nuit, le Caire est aussi une ville qui « swingue ». Le Caire : De notre envoyé spécial