Alors que la production de dattes s'accroît d'année en année, la quantité exportée, elle, stagne depuis quelques saisons autour des 3000 tonnes, en dépit des immenses efforts financiers consentis par l'Etat et les exploitants privés pour augmenter aussi bien la quantité que la qualité des dattes écoulées sur les marchés extérieurs. La dépréciation de la datte de Biskra sur les étals internationaux est la conséquence de la conjugaison de plusieurs facteurs : mauvaises conditions climatiques, contamination des fruits par des parasites et à plus grande échelle, « c'est le recours systématique au " fardage " des barquettes et des colis de dattes auquel ont recours quelques opérateurs et commerçants indélicats, qui a fini par faire rebuter le plus fervent des amateurs de dattes tant à l'intérieur du pays qu'à l'extérieur ». C'est le constat sans équivoque de Abdelouahab Belkadi, cadre et porte-parole de la DSA de Biskra qui, au cours d'un forum de presse organisé par la radio des Ziban, jeudi dernier, a mis en exergue le caractère névralgique de l'agriculture dans cette région du pays en dépeignant, statistiques à l'appui, le tableau des réalisations et de l'activité de son département. En effet, sous l'impulsion du PNDA et des différentes mesures prises par les pouvoirs publics (crédits, assistance technique et sanitaire, dispositifs et couloirs spéciaux) pour promouvoir et dynamiser « le travail de la terre », la wilaya de Biskra confirme d'année en année sa vocation agricole. La superficie des terres qui y est exploitée par les agriculteurs est estimée à 175 305 ha dont 108 058 ha sont irrigués, 51% de sa population active, soit 113 000 personnes vivent de l'agriculture. En 2006, 1628 ha ont été aménagés, parcellés et distribués à 408 bénéficiaires, essentiellement des « universitaires chômeurs ». Céréales, henné, tabac, pomme de terre, tomates, piments et autres plantes potagères trouvent dans cette terre un lieu propice à la croissance. Ce sont 1200 serres qui y ont été installées et une centaine de kilomètres de pistes aménagée. Les palmiers dattiers, la vigne, les oliviers, les grenadiers, les abricotiers, les figuiers, les pommiers et même des pistachiers dont les parcelles expérimentales plantées dans la plaine de Outaya ont donné des résultats encourageants, constituent l'essentiel d'une arboriculture en constante amélioration. Elevage (ovin et bovin), aviculture, cuniculiculture et apiculture ne sont pas en reste puisque de nombreuses exploitations parsèment la wilaya de Biskra et sont à même d'accroître leur rendement. L'arboriculture compte également 40 120 ha de djebbars (jeunes palmiers) de la meilleure variété de dattes, la Deglet-nour , qui ont été plantés dans des zones auparavant dénudées ou pour remplacer des stipes trop vieux. La production de dattes de cette saison s'élève exceptionnellement à 1 690 000 quintaux dont 3000 tonnes seront exportées. Le kilogramme de Deglet-nour en branchettes est à 150 DA. Un régime de dattes est cédé entre 160 et 180 DA/le Kg dans les boutiques du centre-ville qui se pare de ses beaux atours pour célébrer l'annuelle fête des dattes. Des opérateurs malhonnêtes… Répondant à une question sur la stagnation à 3000 tonnes de dattes exportées annuellement, M. Belkadi affirme : « Nous sommes en progrès constant et les premiers résultats du plan de restructuration de l'agriculture apparaissent déjà, mais nous devons reconnaître que le conditionnement des produits agricoles en général et de la datte en particulier, reste encore notre faiblesse. L'exemple de la Tunisie voisine nous renseigne à plus d'un titre sur les immenses potentialités de la phoeniciculture. En quelques années, ils ont réussi à imposer leur label sur les marchés européens, moyen-orientaux et asiatiques à force de rigueur et de prospection de nouveaux marchés porteurs et en focalisant leur attention sur le marketing et le packaging qui font désormais partie intégrante de tout bon plan de vente. Nous, nous n'arrivons pas à faire décoller nos exportations de dattes à cause de plusieurs facteurs. Parfois ce sont les conditions climatiques qui gâtent les récoltes, parfois c'est l'apparition de maladies du palmier (boufaroua) et parfois c'est le " fardage " à outrance qui nous pénalisent face aux opérateurs étrangers. » Il poursuit : « J'appelle tous les intervenants dans la chaîne de collecte et de conditionnement des dattes à respecter les règles en vigueur en matière de tri et d'emballage des dattes pour gagner et regagner la confiance érodée de tous nos clients locaux ou étrangers. Petits ateliers ou grandes unités d'emballage doivent respecter les critères de qualité connus de tous. » Il est indéniable que le fardage est une tromperie manifeste sur la qualité de la marchandise. Ce procédé qui consiste à placer en « devanture » les plus belles dattes et à cacher en dessous les fruits de moindre qualité semble s'être généralisé au détriment de la réputation d'excellence de la datte des Ziban. Cette façon d'agir, heureusement circonscrite à certains opérateurs et commerçants de mauvaise foi et qui ne mesurent pas assez les répercussions néfastes d'un tel agissement, met en danger l'ensemble de la filière phoenicicole. Un client grugé est évidemment un client de perdu qui ne s'y frottera plus. L'Etat ne lésinant pas sur les moyens et les contributions financières pour redorer le blason de l'agriculture et du fellah, il serait fort judicieux de mettre un terme au fardage afin que tous les efforts et toutes les volontés déployés par toute une région ne soient pas compromis par cette pratique malhonnête, bassement mercantile qui s'est insidieusement installée dans les mœurs commerciales et qu'il faut absolument combattre si l'on veut que les dattes de Biskra restent les meilleures et qu'elles continuent de se vendre partout dans le monde, si l'on veut que la datte ne soit plus prisée, seulement pendant le mois de Ramadhan mais qu'elle devienne un produit de tous les jours de l'année. Pour cela, une réflexion globale est encore à entreprendre. La datte de Biskra, aux qualités nutritives reconnues et qui jouit encore d'une aura exceptionnelle parmi les connaisseurs, a une réputation à défendre et des marchés à conquérir. Il y va de la survie économique de tout un secteur générateur de richesse et pourvoyeur de postes de travail. Alors, en ces jours de Fête des dattes, faisons leurs fêtes à nos dattes, mais que ce soit dans les règles de l'art « agronomique » et surtout sans fardage. Tout le pays y gagnera.