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La datte algérienne otage de la spéculation et de difficultés à l'exportation
500 000 tonnes sont produites annuellement
Publié dans La Tribune le 02 - 11 - 2009


Photo : S. Zoheir
Par Badiaa Amarni
La datte algérienne est prisée aussi bien par les consommateurs nationaux qu'étrangers. Apprécié pour sa saveur, surtout la variété «deglet nour», ce fruit déjà très connu de par le monde, peine encore à se faire exporter en quantités suffisantes sur le marché international. Et pour cause, le manque de moyens des exportateurs et du professionnalisme de certains d'entre eux et l'insuffisance des efforts consentis par les pouvoirs publics pour aider cette filière à se développer davantage et à faire face à la concurrence. Pour être plus au fait de ces difficultés qui entravent le développement de cette filière et qui reviennent chaque année, nous avons pris attache avec l'un des professionnels du secteur qui nous confie que la production de dattes souffre ces dernières années d'un délaissement incroyable de la part des fellahs, qui commencent à perdre les bonnes habitudes d'entretien et de production du palmier dattier contrairement au passé où les agriculteurs veillaient énormément sur la récolte et jouaient un très grand rôle dans la qualité du produit qui était son premier souci.
Le gain facile gangrène la filière
De nos jours, «le gain facile prime sur la bonne qualité», souligne M. Ghemri Youcef, président de l'Association des conditionneurs et exportateurs de dattes. Pour appuyer ses propos, il fera remarquer que durant les Ramadhan précédents, les fellahs coupaient les régimes, ce qui est appelé communément «ardjoune», avant même d'atteindre la maturité, ce qui entraîne le pourrissement du fruit. Ce qui rend les choses encore plus difficiles c'est l'intervention des spéculateurs qui se sont initiés au stockage sans aucun contrôle, une pratique qui a pris le dessus sur les bonnes habitudes de commercialisation de la datte et son passage par le circuit formel. «Le stockage se fait sans traitement contre les parasites, à des températures anarchiques et dans des lieux qui manquent d'hygiène». Toutes ces pratiques ont fait que la réalité de la production et du stockage de la datte «est devenue catastrophique et alarmante ; les intervenants dans ce circuit ne sont que des spéculateurs cherchant à s'enrichir à tout prix». Ce professionnel rappelle que des quantités énormes de dattes vendues durant le mois sacré du Ramadhan étaient infestées à 100% (la norme est de 5%), et envahies de bactéries. Ajouté à cela le fait que la récolte 2008 à souffert des intempéries du mois d'octobre 2008 qui a entraîné le pourrissement du fruit. Fort heureusement, la production 2009, dont la
campagne de collecte a déjà commencé à certains endroits, sera nettement meilleure.
Difficultés d'exportation du produit
D'autres difficultés évoquées sont «la lourdeur et la bureaucratie pour l'obtention des aides octroyées et ce, malgré les mesures d'encouragement prises par les ministères de l'Agriculture et du Commerce». En Algérie, contrairement aux autres pays, c'est «un véritable parcours du combattant» qu'il faut effectuer pour obtenir ces aides. Un exemple édifiant est celui des aides du ministère du Commerce remontant à l'année 2004 alors qu'elles «n'ont été perçues qu'à la fin de 2008 et en 2009», affirme M. Ghemri. Selon lui, compte tenu des fluctuations des cours de la devise et des aides qui ne parviennent pas au moment des opérations d'exportation, il devient donc difficile aux professionnels «d'établir les prix du produit et de faire de la concurrence sur le marché mondial».
Pour toutes ces raisons et à cause de la concurrence, les exportations ont été réduites en l'espace de quelques années seulement. «Nous avons perdu presque tous nos marchés en faveur des Tunisiens qui, eux, n'ont ménagé aucun effort grâce à l'aide de leur gouvernement qui leur a prêté main forte pour mieux organiser la filière, améliorer l'outil de production par l'entretien des palmeraies pour avoir un produit sain, même de qualité moindre que celui de l'Algérie», tient à préciser notre interlocuteur. En plus, le circuit du produit tunisien est clair, il chemine de l'agriculteur conditionneur en passant par le collecteur pour arriver à l' exportateur et c'est l'Etat qui veille sur le respect de cette traçabilité qui représente le maillon fort de ce produit. Même du point de vue commercialisation, les Tunisiens sont accompagnés par l'Etat sur tous les plans, à savoir la pénétration du marché et tout ce qui va avec comme logistique : publicité , participation aux foires et expositions… En Algérie par contre, le circuit de passage de la datte entre le fellah et le conditionneur et l' exportateur est anarchique, en ce sens qu'«il transite par des spéculateurs et intermédiaires qui doublent le prix et dégradent la qualité en mélangeant dans les bacs les produits sains et de qualité avec les produits de moindre qualité». Pis encore, l'anarchie dans la gestion de la logistique ou même l'absence d'une logistique adéquate ne sont pas pour améliorer les choses et propulser ce produit à la place qui lui revient sur les marchés étrangers. Notre interlocuteur évoque le problème de la cherté des transports (bateau et avion) de même que celui des aides qui ne parviennent pas, et l'absence d'aide des banques et de leur accompagnement des unités de conditionnement pour l'achat, le stockage, et l'exportation en toute aisance. «Généralement, les crédits sont octroyés une fois la campagne déclenchée et le marché décroché par les Tunisiens».
Pourquoi la suppression du couloir vert ?
Ajoutée à toutes ces contraintes de «la suppression du couloir vert», une très bonne idée que ce couloir vert, «qui a contribué à augmenter légèrement les exportations» en 2006/2007. Ce dispositif a été supprimé sans même consulter les professionnels, a souligné M. Ghemri. Autant d'entraves au bon déroulement de l'opération exportation. Des propositions de solutions sont parfois présentées par cette association, mais seul le ministère de l'Agriculture lui prête une oreille attentive, selon son président. Les autres départements, surtout le commerce, font la sourde oreille, ajoute-t-il. Il faut savoir que les régions potentielles de production sontsoit les Zibans, en l'occurrence Biskra Tolga, Oued Righ, El Oued Djamaa, El M'ghaïer,soit Ouargla, Touggourt, Zelfana et Guerrara.La qualité de la variété «deglet nour» change d'un lieu à un autre à cause du microclimat, du sol et de la qualité de l'eau. Pour toutes ces raisons, la variété «deglet nour» reste meilleure à Tolga. C'est une variété noble et marchande qui représente environs 50% de la production nationale qui avoisine 500 000 tonnes actuellement.Il y a aussi beaucoup d'autres variétés qui changent d'aspect et d'appellation d'une région à une autres. Elles sont presque une centaine de variétés fraîches et sèches.
B. A.
Les unités de conditionnement hors course
Selon M. Ghemri, président de l'Association des conditionneurs et exportateurs des dattes, les statistiques du ministère de l'Agriculture font état de 800 000 tonnes de production à atteindre bientôt grâce au programme du PNDA mis en place en 2001.Seulement, dit-il sceptique, il sera difficile d'exporter et de commercialiser ce produit puisque les unités de conditionnement sont en train de fermer l'une après l'autre a cause de l'absence de compétitivité et des charges trop élevées.Notre interlocuteur dira que les unités en question ne sont pas remises à niveau et que «dans peu de temps, nous serons hors course à cause de la non-certification aux normes de fabrication alimentaire européenne. Qu'allons-nous faire pour redynamiser ces unités en l'absence des crédits d'investissement et de la remise sur rail des anciennes unités de l'Etat qui a consenti des investissements géants dans le domaine de la datte ?», s'interroge-t-il.Evoquant l'après-pétrole, ce professionnel lance un appel au président de la République pour mettre en place un plan d'urgence permettant la redynamisation de cette activité qui offre au pays une part non négligeable de devises et d'emplois directs, soit 4 000 postes, rien qu'à Biskra.


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