De quoi sera fait le secteur de l'énergie d'ici à l'horizon 2030 ? La question est sur la table des responsables de cet important département qui doivent livrer au début de l'année 2018 la fameuse stratégie de développement du secteur, assortie d'une nouvelle loi sur les hydrocarbures. Ces derniers ont constitué depuis la découverte des premiers puits à Hassi R'mel et Hassi Messaoud la principale richesse exploitée à ce jour par le pays. Après l'indépendance, le régime s'est assis sur la rente pétrolière comme un moyen de subsistance économique. La rente a été le carburant qui a fait et continue à ce jour à faire rouler la machine politique d'un système qu'on dit aujourd'hui condamné à partir. La rente elle aussi arrive à épuisement du fait de l'abondance de l'offre énergétique fossile sur le marché international. Certes, l'histoire de l'homme moderne a été marquée par la découverte du combustible et depuis que l'énergie a jailli de la rencontre du charbon et une source de chaleur, l'homme n'a cessé de développer les sources d'énergie. Hydrocarbures, solaire, éolien, nucléaire et d'autres formes d'énergie se bousculent pour garantir plus de développement aux économies dans le monde. Ce foisonnement de sources énergétiques n'a pas eu pour autant raison du charbon. Ce dernier est toujours là, tout comme le pétrole et le gaz qui promettent de faire tourner le monde pour quelques années encore. Dans un contexte international marqué par une bousculade de producteurs sur le marché de l'énergie, l'Algérie semble chercher à garder la tête hors de l'eau et ne pas se laisser submerger par la quantité de fuel et de gaz déversée par Américains, Russes et autres mastodontes pétroliers, mais en restant toutefois attachée à sa rente. «Si l'on continue à consommer sans augmenter nos capacités de production, d'ici 2025 la totalité de notre production sera destinée à la consommation nationale», avertissait le ministre de l'Energie, Mustapha Guitouni, lors d'une de ses sorties médiatiques. L'alerte est donnée et le renforcement de l'effort de production est présenté comme la solution pour relancer un secteur en mal de vision. «Bâtir une stratégie de nos jours pour une compagnie pétrolière sur un simple objectif d'augmentation de production pour ‘‘alimenter'' un marché intérieur et gagner davantage de marchés, c'est taper à côté, parce que les données actuelles ou plutôt les tendances actuelles et à venir en matière économiques et énergétiques à l'échelle mondiale qui finiront par s'imposer aussi à la Sonatrach et à l'Algérie doivent nous amener à réfléchir autrement», estime l'ancien ministre et PDG de Sonatrach, Abdelmadjid Attar (lire l'entretien). L'Algérie a accusé un retard qu'elle doit rattraper rapidement afin de mieux appréhender l'avenir. Avec, comme le souligne Abdelmadjid Attar, «un constat identique à celui des années 80' : réserves et production en baisse, croissance vertigineuse de la consommation intérieure et dépendance continue à la rente», l'Algérie subit par contre un environnement mondial qui a évolué et n'est plus le même que celui des années 80'. L'offre énergétique est variée et le marché est inondé de pétrole et de gaz. L'ancien PDG de Sonatrach incite à l'abandon de l'idée de la rente afin de mieux exploiter toutes les richesses du pays et mieux répondre aux défis de l'heure. L'expert pétrolier, Mourad Preure, estime pour sa part (lire l'entretien à paraître dans notre édition de demain) que Sonatrach se doit, entre autres options, de s'orienter vers «l'aval gazier et la génération électrique en Europe». «Dans un marché qui sera dominé par le court terme, elle maîtrisera ainsi le risque volume et le risque marché qu'elle prend déjà et accédera aux marges aval les plus rémunératrices. Plus encore, elle accueillerait les volumes concurrents au lieu de les subir. Ce redéploiement devrait se faire dans le cadre d'une intégration croisée où nos clients européens investissent et prennent le risque amont.» Sonatrach devrait à terme, dit-il, avoir «accès au client final européen», ce qui ferait de la compagnie nationale un grand acteur gazier. Sonatrach devra aussi entre-temps répondre à la demande gazière nationale qui est en constante croissance, de l'ordre de 5% par an. «Le potentiel restant à découvrir en hydrocarbures conventionnels dans les bassins algériens est de l'ordre de 460 TCF de gaz et de 300 milliards de barils de pétrole. Les ressources non conventionnelles techniquement récupérables sont de l'ordre de 707 TCF de gaz (où nous figurons au troisième rang mondial) et 248 milliards de barils pour les liquides. Pour plus de précisions, je vous informe que les volumes d'hydrocarbures (liquides et gaz) produits annuellement sont renouvelés par les volumes des découvertes réalisées chaque année», précise l'expert Mourad Preure. Sur le plan international, Sonatrach a encore des possibilités de préserver ses parts. Malgré les apparentes profusions d'offres en hydrocarbures sur le marché international, la demande demeurera en constante évolution d'ici 2022, comme l'affirme l'Agence internationale de l'énergie (AIE). «La demande de pétrole devrait croître fortement au moins jusqu'en 2022, avec les principales économies en développement en tête. Le besoin de plus de capacités de production devient apparent à la fin de la décennie, même si l'offre semble aujourd'hui abondante. Et il y a un risque que les prix augmentent plus fortement d'ici 2022 si le coussin de production de rechange s'érode», prévoit l'AIE. Même si les analystes prédisent de longues belles années pour la prédominance des énergies fossiles qui continueront d'alimenter les besoins d'énergie dans le monde à hauteur de 80% d'ici 2030, il reste que nous «aurions consommé la moitié des réserves de pétrole découvertes, lentement accumulées dans le sous-sol pendant des centaines de millions d'années. La seconde moitié serait consommée infiniment plus vite que la première du fait d'une demande énergétique mondiale beaucoup plus forte», indiquent des analystes. Cette situation plaide pour le recours au mix énergétique et une exploitation optimum des énergies renouvelables.