Les entrepreneurs, les économistes et les universitaires sont unanimes : l'Algérie doit commencer dès maintenant à bâtir une nouvelle économie moins dépendante des hydrocarbures, pour préparer l'après-pétrole. C'est ce qui ressort des débats animés par ces derniers lors du symposium intitulé “De l'urgence d'une nouvelle économie moins dépendante des hydrocarbures”, initié par le Forum des chefs d'entreprise (FCE). Intervenant à l'ouverture du symposium, Omar Ramdane, président d'honneur du FCE, a indiqué que si d'ici dix à quinze ans on n'arrivait pas à mettre en place une politique économique moins dépendante des hydrocarbures, la situation risquerait de s'accentuer. Et elle le serait davantage si les cours du pétrole, baissaient en dessous des cent dollars le baril. Selon lui, “la conception d'une stratégie de croissance loin des hydrocarbures est nécessaire pour faire avancer l'économie du pays” d'autant plus que “dans les années à venir nous risquons de nous retrouver dans le dilemme de vendre notre production de pétrole ou bien la garder pour notre consommation.” L'ancien ministre et ancien P-DG de Sonatrach, Abdelmadjid Attar, a expliqué que le processus de recyclage et d'utilisation efficace de la rente n'a pas permis de concrétiser les attentes en termes de diversification de l'économie nationale et de progrès social. Se basant sur l'analyse des chiffres officiels, il a constaté que les réserves en hydrocarbures sont entamées à au moins 50%. Le domaine minier étant inégalement exploré, il est permis d'envisager de nouvelles découvertes, mais celles-ci seront “de taille moyenne et de plus en plus petites.” Cette situation sera, de plus, conjuguée à une consommation nationale d'hydrocarbures de plus en plus forte (1,2 TEP par an et par habitant, +7% par an pour le gaz), et une diminution des exportations à partir de 2022. En effet, dès 2022, selon l'ancien directeur général de Sonatrach, il faudra s'attendre, très probablement, à ce que la rente pétrolière baisse, alors qu'en 2030, l'Algérie ne pourra produire que des quantités lui permettant d'assurer son autosuffisance. En 2030, l'Algérie ne sera plus un exportateur de pétroleLe degré d'épuisement avancé de nos réserves “nous impose de constituer une réserve stratégique pour les générations futures, à défaut de leur léguer une économie diversifiée capable de progresser par elle-même”, explique-t-il. En plus de la nécessite d'intensifier l'effort d'exploration et surtout d'amélioration des taux de récupération sur les gisements de gaz et de pétrole, M. Attar ne manque pas d'appeler à la nécessité d'une stratégie urgente en matière de transition et de modèle de consommation énergétique vers l'économie d'énergie et le renouvelable. M. Attar a aussi plaidé pour l'investissement dans le potentiel de l'Algérie en hydrocarbures non conventionnels qui semble être, selon lui, très important. “Le défi sera surtout technologique et financier, parce que le contexte algérien ne ressemble en rien à celui qui existe en Amérique du Nord ou dans la plupart des pays européens”, a-t-il dit. Pour lui, le potentiel de l'Algérie en hydrocarbures non conventionnels semble important mais nécessitera des investissements très élevés. Une exploitation pourrait être envisagée au-delà de 2030 pour assurer l'approvisionnement du marché intérieur après 2040. Mais pour l'heure, affirme M. Attar, l'on peut toujours compter sur le pétrole, surtout que le marché pétrolier, entré dans une phase de changement majeur, exclut, à long terme, un retour durable à un prix inférieur à 100 dollars le baril. Cependant, à court terme, “un renversement est toujours possible en cas de réaction tardive de l'Opep face à l'évolution défavorable de la conjoncture”, souligne encore M. Attar. Dans sa communication, intitulée “Une autre façon de faire le développement”, Mahrez Hadjseyd, docteur en économie, a estimé qu'il est “temps de mettre fin à l'insertion passive par les hydrocarbures -le slogan de l'après-pétrole n'a de sens que si nous nous affranchissons d'une manière ou d'une autre de la rente comme moteur de croissance- en se fixant comme objectif de mettre fin aux exportations de ce produit dans le moyen terme, en valorisant sur place chaque goutte de pétrole et chaque mètre cube de gaz.” Il ajoutera que “la pétrochimie reste un secteur porteur et rentable. Il n'y aurait certainement pas trop de difficultés à réussir ce pari. Il conviendrait de faire de même pour l'ensemble des gisements miniers et pour les ressources agricoles à valoriser.” Ce qu'il faut retenir en conclusion des travaux de ce symposium c'est que les intervenants ont, pour la majorité, appelé à s'affranchir de la rente pétrolière et de la dépendance de l'économie nationale de celle-ci. S. S.