- Comment expliquez-vous l'absence de la culture amazighe ksourienne des annales universitaires locales ? La culture est le miroir de la société et notre société n'a pas encore pris conscience de sa dimension amazighe. Personnellement, j'estime que tegargrent, la langue ouarglie, est en réel danger d'extinction, nos enfants ne la parlent plus parce qu'ils ne l'entendent plus chez eux ni dans la rue et encore moins à l'école. Pour ma part, j'interpelle les intellectuels et les universitaires à s'intéresser de près à la culture ksourienne qui est très riche et comporte une esthétique si particulière. - Parlez-nous de votre propre démarche alors que vous n'êtes pas linguiste ni chercheur universitaire... Je suis certes psychologue de formation et de métier, mais j'estime que la recherche n'est pas l'apanage des seuls académiciens. Mon vœu le plus cher est de voir l'université de Ouargla se pencher sur le territoire immatériel du ksar de la ville et des autres ksour, comme ce fut le cas avec l'agriculture saharienne par exemple. Quant à ma contribution en tant que berbérophone, d'abord, et amoureux du tegargrent en particulier, elle visait à répertorier quelque 400 mots complètement disparus de l'usage. Il s'agit de mots que le Ouargli d'aujourd'hui ne connaît pas et n'utilise plus. Finalement, ce sont 1900 mots que j'ai pu retrouver et mis dans un mini-dictionnaire de poche consacré aux plus beaux mots de la variante ouarglie de la langue zénète, paru chez les éditions Anzar de Biskra. En parallèle, j'ai effectué plusieurs sessions de formation et d'apprentissage pour parfaire mes connaissances académiques, car je veux rester dans la tradition du Mouvement culturel berbère et profiter de la longue expérience des leaders de la recherche dans ce domaine et apporter ma modeste contribution à la préservation du ouargli. - Parlez-nous de vos ouvrages et de vos projets... Iwalen s Tegargrent est généraliste, il touche un peu à tous les domaines de la vie quotidienne des Ouarglis et j'espère que cela ouvrira la porte à de nouvelles parutions plus spécialisées. L'idée est de lancer une série de dictionnaires thématiques et je voudrais essentiellement que l'on se consacre un peu à deux domaines : le palmier et la médecine traditionnelle ksourienne, qui méritent à mon sens de l'intérêt. Peut-être que d'autres chercheurs pourront à leur tour répertorier des dictionnaires agricoles dédiés à la palmeraie ouarglie. En tout cas, mon objectif est de continuer à recenser et à répertorier les mots, mais aussi à motiver d'autres personnes à effectuer des recherches en anthropologie, mais aussi concernant le conte, les proverbes et la poésie ouarglis afin d'enrichir la bibliothèque locale et nationale d'ouvrages algériens dans ce domaine tout à fait vierge. Pour Awal, l'objectif est tout autre, il s'agit d'accompagner les nouvelles classes d'enseignement lancées à Ouargla, car les programmes proposés aux enfants sont unifiés et ne reflètent pas la culture locale. - C'est justement le motif d'un mouvement de contestation actuellement ; qu'en pensez-vous ? J'adhère parfaitement à la création de ces classes qui n'a que trop tardé à mon avis et j'espère que les difficultés actuelles relatives à l'enseignement d'une variante autre que tegargrent dans les écoles du ksar seront vite résolues et permettront à chaque région amazighe d'enseigner et d'étudier sa propre variante afin de faire avancer les choses dans les zones qui ont connu du retard, comme Ouargla. Et à défaut d'une formation en licence dans la langue et la culture amazighes, je propose que les enseignants de tamazight soient formés pour s'adapter au contexte ouargli et bénéficient d'une immersion dans la société ksourienne qui accompagne cette prise de conscience de la société par rapport à sa culture, qu'ils reconnaissent les symboles, les lettres dans l'espace public. Pour ma part, j'enseigne le tifinagh à mes neveux et je suis heureux de constater que ma propre nièce reconnaît ces lettres à la télévision et devient ainsi plus réactive et avide d'en connaître plus.