Alors que l'année 2017 touche à sa fin, elle aura été celle où le Moyen-Orient est redevenu l'épicentre de la géopolitique internationale et aura été le théâtre de recomposition stratégique importante pour les équilibres régionaux et internationaux, ce qui a contribué à mettre la région dans une situation très sensible. Nombre d'observateurs et d'experts des relations internationales ont constaté que nous vivions une époque de «transition géopolitique», qui devait marquer l'émergence de la région Asie-Pacifique comme le centre des enjeux et des rivalités internationales, avec comme preuve le fameux «pivot» de la politique étrangère américaine, prôné par Obama, vers cette région et aussi et surtout la place que prend désormais la Chine dans les relations internationales, faisant que pour les grandes puissances l'avenir est dans cette région. Cependant, les récentes évolutions au Moyen-Orient semblent remettre cette vision en doute. Ce qui a relancé cette région sur le devant de la scène internationale, ce sont la retentissante reconnaissance, par les Etats-Unis, de Jérusalem comme capitale de l'Etat d'Israël, la défaite totale de Daech en Syrie et en Irak, en passant par le raidissement de la guerre larvée entre l'Iran et l'Arabie Saoudite et le grand retour de la Russie dans la région. Tous ces événements n'ont fait qu'accentuer une situation déjà très compliquée depuis de nombreuses décennies, mais, comme le souligne l'ancien ministre des Affaires étrangères allemand, Joshka Fischer, «l'ordre régional est en train changer», dans une tribune sur la situation au Moyen-Orient. RIVALITES Depuis la rupture de leurs relations diplomatiques en janvier 2016, la lutte d'influence entre les deux principales puissances régionales, l'Iran et l'Arabie Saoudite, est au cœur des problèmes que connaît cette région, la guerre au Yémen et en Syrie, la crise qatarie, celle du Liban, l'instabilité en Irak…Tous ces conflits sont l'effet direct de la guerre froide que se livrent les deux pays, selon Joshka Fischer. «La lutte entre l'Iran et l'Arabie Saoudite pour la domination régionale est le facteur déterminant dans la région, et l'accession de Donald Trump à la présidence des Etats-Unis n'a fait qu'empirer les choses, détruisant des années d'efforts diplomatiques, en ciblant directement l'Iran comme responsable de la déstabilisation de la région et donnant à l'Arabie Saoudite des assurances sur son soutien indéfectible.» Dans ce contexte, le conflit israélo-palestinien non résolu semblait passé à un niveau «marginal». Cela a bien été le cas, jusqu'à ce que le gouvernement du président américain décide unilatéralement, ce mois-ci, de reconnaître Jérusalem comme capitale d'Israël, plongeant ainsi la région dans l'incertitude et entérinant donc le retrait des Etats-Unis comme médiateur dans le conflit israélo-palestinien, en prenant clairement position en faveur d'Israël, situation aussi inédite, puisque depuis de longues années les Etats-Unis ont eu une position modérée sur ce sujet. Il convient de noter que la démarche unilatérale de Trump n'a suscité qu'une réponse modérée de la part des grandes puissances arabes, telles que l'Arabie Saoudite, l'Egypte ou la Jordanie. Pour les Saoudiens, contrer l'Iran est la première priorité, toujours selon Fischer. «L'Arabie Saoudite continuera de renforcer ses liens avec les autres Rivaux des Iraniens, en particulier avec la superpuissance militaire de la région : Israël.» L'alliance émergente entre l'Arabie Saoudite et Israël, autrefois inimaginable, risque bien de devenir l'une des forces motrices du nouveau Moyen-Orient. Seul le temps nous dira quel sera le prix d'une telle alliance anti-iranienne. REPOSITIONNEMENT Cette année a aussi été marquée par le retour de la Russie comme acteur incontournable dans la région. Sa gestion du dossier syrien, dont elle détient les clés, son engagement dans la lutte contre l'EI et ses manœuvres diplomatiques, notamment avec la Turquie et l'Iran, lui ont permis de s'ériger comme seule puissance capable de dialoguer avec toutes les parties de la région. Les dernières décisions du président Trump ne font que confirmer ce constat, pour le chercheur Igor Delanoé : «La Russie se retrouve en position unique de médiateur crédible et accepté par toutes les parties, et il n'en demeure pas moins que son capital d'influence et sa crédibilité acquis en Syrie poussent la Russie sur le devant de la scène stratégique régionale.» En mettant le Moyen-Orient au centre de sa politique de puissance et d'influence, la Russie du président Poutine a plus que jamais relancé le regain d'intérêt des grande puissances pour cette région et a, avec l'Iran, redéfini les équilibres régionaux et stratégiques avec leurs concurrents respectifs, à savoir les Etats-Unis pour les premiers, et l'Arabie Saoudite et Israël pour les seconds, et entre toutes ces grandes puissances, les petits pays de la région sont les premières victimes de ces luttes d'influence, ou ils n'en sont que les instruments.