Le président Abdelaziz Bouteflika vient de décréter le premier Yennayer journée nationale chômée et payée, tout en demandant au gouvernement de présenter le texte sur l'Académie amazighe dans les meilleurs délais ! C'est là un acquis symbolique arraché de haute lutte — dans les larmes, le sang, les prisons et la torture — par plusieurs générations militantes, dont la dernière a fait ses preuves dans les manifestations estudiantines et citoyennes des 11, 12 et 13 décembre en Kabylie et dans les Aurès. Je me garderai d'ergoter sur le fait divers que ce n'est qu'en 2021 que la journée du 12 janvier sera concrètement chômée et payée. Je me garderai aussi de monter en épingle la volonté manifeste de vouloir calmer le chaudron amazigh — particulièrement en Kabylie — à l'approche de l'année électorale charnière 2019, tant les autres acquis arrachés n'avaient pas, par le passé, calmé l'ardeur militante de plusieurs générations, encore moins fait abandonner notre cause légitime à ses défenseurs. Je ne m'attarderai pas non plus sur l'image des ventes concomitantes multiples que peut dégager, en ce contexte de crise socioéconomique aiguë et de désaffection citoyenne grave vis-à-vis du politique et de l'Etat, tout geste conciliateur de la part du régime. Il nous suffit de faire remarquer que personne ne nous a arraché un quelconque consentement à la loi de finances 2018 et autres tristes taqachoufate, encore moins un applaudissement à quelque gestion occulte que ce soit de la crise de régime qui sévit et de la succession qui se concocte dans l'obscurité des officines institutionnelles. Ce sont d'autres combats qui appellent notre engagement permanent pour un Etat de droit, le respect des droits de la personne humaine dans leur universalité, des élections libres, la soustraction de la religion de toute entreprise politique, l'Etat démocratique et social promis par Novembre. A chaque événement ou jour suffit sa peine. En toute bonne guerre, Bouteflika est dans son rôle à tous points de vue, a fortiori lorsque l'auteur de cette reconnaissance juste et due précise — dans le communiqué du Conseil des ministres — qu'il répond aux demandes de la rue. Indépendamment du résultat économique affligeant de l'Algérie du second choc pétrolier (résultat qui est celui de tout un système politico-social, faut-il le souligner), il est indéniable que c'est sous le régime de Abdelaziz Bouteflika — à l'exclusion de tout autre — que la revendication amazighe a enregistré ses plus grands acquis politiques, même si c'est également en cette période que le plus de larmes et de sang ont été infligés aux tenants de l'amazighité (126 martyrs en 2001), tragédie qui engage la responsabilité de tous les décideurs et personnels civils et militaires du régime sans distinction, faut-il encore le souligner. Je l'ai dit et je le redis : aucun décideur kabyle ou chaoui ou autre berbérophone du système n'avait osé (n'aurait osé ?) franchir ce pas. Seul Bouteflika a eu le courage de ce risque intra-système, après avoir dit, à Tizi Ouzou en 2000, «elle ne le sera jamais», à propos du statut national et officiel pour tamazight ! Connaissant les pesanteurs du système politique algérien et les inhibitions qui minent les partis politiques kabyles de l'opposition qui ont fait figurer dans leurs programmes l'exigence amazighe, je crains même que le constat ci-dessus ne les concerne pas s'ils venaient à être dépositaires de la décision nationale d'Etat. Il n' y a, pour s'en convaincre, qu'à examiner l'histoire du cheminement, très timide au départ, des revendications du MCB (2e séminaire de juillet 1989) dans ces formations, ce qui n'enlève rien à l'engagement clair et net des individualités propres de beaucoup de dirigeants connus pour leur ancrage dans ce combat depuis ses débuts. Je ne serais pas injuste avec le président Zeroual en reniant la portée immense de l'introduction de l'enseignement du tamazight à l'école, tant cet instant historique de 1995 était fondamental ! Pour autant, cet acquis n'aurait jamais été possible sans notre recours à un pénible et coûteux boycott de l'école par un million d'élèves et d'étudiants de Kabylie. De plus, le pouvoir de l'époque avait refusé obstinément de céder sur le statut national pour notre langue, et ce, malgré un contexte sécuritaire et politique dans lequel l'Etat menaçait carrément de s'effondrer devant l'hydre terroriste islamiste. Ceci dit, après avoir implanté cet autre jalon dans la résurrection de l'identité amazighe, nos luttes continuent pour la généralisation et l'obligation de l'enseignement de tamazight pour l'avènement de la loi organique et de l'Académie décrétée par l'art. 4 de la Constitution ! Seul le combat politique pacifique paie !