La migration des mineurs non accompagnés ne cesse de connaître des proportions alarmantes, et ce, en dépit des dures conditions de déplacement et du séjour dans les pays d'accueil. 40% des migrants en Méditerranée sont des jeunes de moins de 18 ans, révèle le sociologue Aïssa Kadri, lors de la semaine de sensibilisation contre le racisme et pour la dignité des migrants, organisée par l'association RAJ, à Mostaganem, récemment. L'Algérie n'est pas en reste face à cette vague migratoire sans précédent. Depuis le début de la crise syrienne, le pays reçoit des migrants de différentes nationalités, essentiellement des Subsahariens, dont des mineurs, cette dernière frange de migrants nécessite une prise en charge particulière, notamment en matière de la scolarisation de ces enfants. Si les enfants syriens ont pu accéder à l'école avec l'aide de l'Etat algérien, les subsahariens, eux, continuent à errer dans les rues sans que les institutions étatiques ou les organisations de la société civile bougent le petit doigt. En ces jours de froid glacial, un enfant d'à peine 8 ans quémande de l'argent dans la station de bus de Boumerdès. Très mal habillé, l'enfant tremble de froid dans l'indifférence totale des citoyens et des forces de sécurité. Les voyageurs n'ont pas jugé utile d'intervenir afin d'apporter une quelconque aide à cet enfant exploité dans la mendicité. De l'avis de M. Kadri, ce comportement serait la résultante du discours sécuritaire, notamment celui des représentants de l'Etat, citant à titre d'exemple le discours du Premier ministre à l'égard des réfugiés subsahariens, qui les présentait comme une menace à la sécurité nationale et qui pousse les gens à repousser ces migrants. A ce discours s'ajoute la rhétorique du nombre. M. Kadri considère qu'en plus de ces deux premiers «angles» de perception des migrants, il y a également la stigmatisation : «Ils (les migrants) sont porteurs de VIH , ce sont des trafiquants et des voleurs.» Telle est l'image qui a été véhiculée aux Algériens sur les migrants subsahariens. M. Kadri rappelle que ce genre de discours a été développé aussi à l'égard des immigrés algériens, notamment en France. «Chaque catégorie devient une cible à travers un certain nombre de caractéristiques sur ces caractéristiques», explique le sociologue. Par la force des choses, «ce discours commence à devenir la réalité, alors que ce n'est pas la réalité», déplore M. Kadri, qui reconnaît dans certains cas l'interférence des réfugiés avec des réseaux mafieux. Mais il appelle à ne pas généraliser. «Il faut déconstruire cette image. C'est le travail des journalistes, de la société civile et des universitaires», estime l'invité de RAJ, déplorant par la même occasion le retard accusé en matière de sensibilisation contre le racisme à l'égard des migrants. M. Kadri fait remarquer que depuis 2015, ce phénomène migratoire demeure «une grande crise qui n'a pas vu d'équivalent depuis la Seconde Guerre mondiale en ce qui concerne le déplacement des populations».