L'attentat de Bouchaoui qui a ciblé des employés de la société américaine BRC laisse les experts méditer sur deux hypothèses : un simple coup d'éclat du GSPC ou une stratégie lourde de redéploiement du terrorisme algérien. La première thèse part du constat que le GSPC est aujourd'hui doublement affaibli, aussi bien par les désertions causées par la charte sur la réconciliation nationale que par les ratissages réguliers et efficaces de l'ANP. Et pour démontrer qu'il est toujours debout et fort, le GSPC a décidé d'attaquer des étrangers censés être surprotégés, choisissant comme endroit de l'attentat le lieu symbolique de l'hypersécurité qu'est la résidence d'Etat de Club des pins. Cette attaque a été précédée par celle qui a visé deux commissariats, ceux de Réghaïa et de Dergana, cibles pourtant potentiellement difficiles. Dans cette stratégie, il n'y aurait cependant que du spectaculaire : réduit à l'état de bête blessée, le GSPC n'essaie que de se relever à travers des opérations à fort rendement médiatique et susceptibles de tétaniser la population. La vraie guerre, celle de la terreur généralisée visant à basculer les Algériens dans son combat et détruire la République, il l'a perdue sous l'effet conjugué des coups portés par la résistance armée et populaire à l'intérieur du pays et des retombées internationales du 11 septembre 2001. Cette date vitale a privé les terroristes algériens des puissants soutiens politiques et logistiques de l'étranger comme elle a définitivement déligitimé leur lutte. Si elle n'est pas réfutée totalement, cette thèse est toutefois atténuée par un certain nombre d'experts qui n'excluent pas que le GSPC ait été sensiblement dopé depuis qu'il a décidé d'intégrer Al Qaîda. Cette adhésion confère une dimension internationale à son combat et lui confectionne une nouvelle image faite surtout d'anti-Amérique et d'anti-Israël. Sorti de son tête-à-tête improductif avec le pouvoir algérien, le GSPC serait susceptible de s'assurer du recrutement, des aides en finances et en armes surtout d'organisations étrangères ou même d'Etats qui verraient en lui un « défenseur de la cause irakienne » et par extension de « la cause musulmane » aujourd'hui blessée par l'Occident. Son redéploiement dans le Sahel répondrait à cette volonté de mettre à profit l'agression américaine en Irak pour se revêtir d'un uniforme qui lui effacerait son habit algérien trop sanglant et sans issue. L'attaque du car d'étrangers de Bouchaoui se justifierait ainsi et les autorités politiques et sécuritaires algériennes qui travaillent avec les Etats engagés contre Al Qaîda devront s'attendre à des attaques similaires. Quelle que soit l'hypothèse, contrer ce GSPC nouvelle version n'est pas chose aisée lorsque, sur le sol algérien qui est son sanctuaire, le climat politique est bien ambigu et lui est globalement favorable bien qu'il l'ait privé, à travers la charte sur la réconciliation, de 200 de ses éléments. Mais 5000 terroristes ont déjà rété emis en liberté dont un bon nombre ne renieront jamais leurs attaches avec le terrorisme. Et il y a enfin l'intégrisme religieux et politique, ce terreau qui n'arrête pas de légitimer l'acte terroriste, bien ancré dans le pays.