Le Groupe salafiste a signé, ce mardi 13 février 2007, son entrée opérationnelle dans la nébuleuse Al Qaîda. La poussée de violence de cette fin de semaine annonce-t-elle un inquiétant retour à la psychose du cycle des voitures piégées? Tous les analystes ont relevé la maîtrise parfaitement synchronisée des explosions. Pratiquement tous les attentats ont été chronométrés à la même heure -entre 4h et 4h30 du matin- et à proximité, soit de commissariats de police, soit de brigades de gendarmerie, afin de faire le plus de dégâts dans les rangs des membres des services de sécurité. A midi, les agences de presse du monde entier reprenaient l'information et consacraient l'essentiel de leurs couvertures les plus importantes du jour aux actions menées par le Groupe salafiste, qui vient, ce jour-là, mardi 13 février 2007, de signer son acte d'adhésion opérationnelle à l'organisation Al Qaîda. Pourtant, l'attentat de Bouchaoui contre l'entreprise américaine BRC avait déjà résumé cette nouvelle forme de l'action terroriste: il s'agit d'un attentat commis à la périphérie de la capitale, qui n'a nécessité que peu d'hommes et peu de moyens, qui a duré deux minutes pour faire aussitôt après le tour du monde en deux heures. Efficace et spectaculaire à la fois. Avec des pertes en hommes à «zéro mort», un risque à prendre rabaissé au minimum, le Gspc fait, en sorte, qu'il garde toute son efficacité et sa force de frappe malgré des effectifs à l évidence plus réduits, en procédant par des attentats ciblés dont les effets médiatiques multiplient par dix l'acte lui-même. Le Gspc apporte aussi un démenti aux propos officiels de l'Etat, quant à la faiblesse de son pouvoir de nuisance, mettant dans le plus grand embarras les responsables des ser-vices de sécurité. Il y a, seulement quelques jours, Daho Ould Kablia, ministre délégué chargé des Collectivités locales, n'affirmait-il pas que le Gspc «est en voie d'être éradiqué en Algérie et ne constitue pas véritablement un danger pour les pays du Maghreb ni pour la France»? Il soulignait encore: «Nous ne lui prêtons pas plus d'importance qu'il en a. Allié d'Al Qaîda ou pas, c'est un mouvement qui tend à être éradiqué en totalité et ne pose pas de problème en termes de menace importante, et mis à part des messages de soutien verbal, il n'y a jamais eu, à notre connaissance, d'aide directe d'Al-Qaïda aux terroristes en Algérie, ni sur le plan financier, ni logistique ou matériel. Au Maghreb, l'allégeance du Gspc à Al Qaîda lui causera beaucoup plus de torts qu'elle ne lui apportera de bénéfices». La première opération lancée par le nouvel émir, en juin 2004, Abdelmalek Droukdel, renseignait déjà sur sa stratégie: en ciblant la centrale électrique d'El Hamma, il plongea Alger dans le noir pendant plusieurs heures et délivra aux forces de l'ordre deux messages. Le premier est que l'attentat à l'explosif ciblant les services de sécurité et les édifices publics et étatiques sera privilégié. L'autre est que la capitale, dont la résonance médiatique, politique et sécuritaire reste un enjeu majeur, ne sera pas à l'abri de la stratégie du Gspc. Ancien étudiant en fin de cycle en électronique, à l'université de Soumaâ, Abdelmalek Droukdel, qui signe sous son nom de guerre «Abou Mossaâb Abdelouadoud», est un homme porté sur l'explosif et l'armement. Avant de remplacer Nabil Sahraoui à la tête du Gspc, il était responsable de la commission de l'armement et de la logistique militaire. La bombe qui avait explosé à Baulieu, dans la périphérie est de la capitale, pendant le mois de Ramadhan 2006, avait déjà mis en état d'alerte les services de sécurité. En visant une caserne militaire dans la capitale même, les messages qui ont été décryptés par les responsables de la sécurité intérieure les ont poussés à donner des directives claires aux polices locales: plus de vigilance, renforcement des effectifs et investigations dans les zones d'influence des groupes armés. Nous avons assisté à un renforcement très manifeste du dispositif sécuritaire dans et autour de la capitale, et qui n'était pas uniquement lié à la sécurisation des biens et des personnes. Des sources sécuritaires affirmaient qu'«une cellule opérationnelle du Gspc s'était introduite dans la capitale», et cela s'est vérifié par la suite. Les deux attentats qui ont ciblé les commissariats de police de Réghaïa et de Dergana, puis l'attentat de Bouchaoui ont été édifiants pour les services de sécurité. Petits attentats contre grande audience médiatique. Les nouvelles recrues qui se déplacent dans les zones urbaines sont de «nouveaux profils». Non fichés, non répertoriés par les services de police, ils passent inaperçus, et sont, en quelque sorte le monsieur Tout-le-monde. Ce qui rend toute anticipation des forces de sécurité sur des actions terroristes, aléatoire, donc largement inefficace. Les sites web lancés successivement par le Groupe salafiste et les vidéos mettant en images les actions meurtrières du groupe, ainsi que -autre nouvelle stratégie du groupe- les messages ou les vidéos passés dans des forums et autres blogs assurent le travail d'information de l'organisation à partir de l'intérieur, tandis que les attentats les plus spectaculaires assurent la «couverture» de l'extérieur. Coup d'éclat ou stratégie de redéploiement, les attentats de Boumerdès et de Tizi Ouzou continuent de poser un véritable casse-tête aux services de sécurité. La collusion définitivement établie entre le Gspc et Al Qaîda, après des années de flirt contrarié, est venue compliquer les choses. Depuis qu'il a prêté allégeance à Al Qaîda, le Gspc tente de se donner une plus grande dimension et une envergure transnationale, afin, d'abord, de justifier sa connexion avec l'organisation de Ben Laden, de frapper ensuite, même symboliquement, des puissances comme les Etats-Unis et la France (que Zawahiri avait mis en garde), et de se donner de l'aura dans la course des groupes djihadistes transnationaux. Le Groupe salafiste pour la prédication et le combat (Gspc) doit devenir «l'os dans la gorge des croisés américains et français». Cette formule de guerre lancée par le n°2 de l'organisation Al Qaîda, Aymane al-Zawahiri, constitue, aujourd'hui, la principale source d'inquiétude des services français, qui craignent des attaques surprises de la part des salafistes algériens, mais aussi des services algériens, qui doivent assurer la protection de tous les ressortissants étrangers. Même si aujourd'hui, il est peu probable que le Groupe salafiste ait encore bénéficié d'une logistique approprié d'Al Qaîda, il est certain que, devenu, le «représentant exclusif» de l'organisation d'OBL (Oussama Ben Laden) dans le Maghreb, mais aussi dans le Sahel africain, il aura à hériter petit à petit auprès des groupes affiliés ou en relation avec l'islamisme armé, des hommes, des techniques «militaires» et informatiques, ainsi que des ressources disponibles dans toute la triple région maghrébine, saharienne et sahélienne. Virage dangereux pour les services de sécurité de la région, en perspective...