L'Etat ne cherchera plus à imposer sa version.» Cette phrase pèse lourd dans le dossier de la mort de Maurice Audin, à Alger en 1957. Elle est prononcée par Cédric Villani, lui-même mathématicien et député du parti présidentiel La République en marche (LREM). Dans un entretien au quotidien L'Humanité, daté d'hier, il est explicite sur la velléité de faire la lumière sur l'affaire. Le scientifique est un ami de Michelle Audin, veuve du mathématicien enlevé à Alger par l'armée et dont le corps n'a jamais été retrouvé. Il est aussi l'ami de Pierre Audin, le fils de Maurice Audin, «qui a fait en toute discrétion une très belle carrière au service de la vulgarisation mathématique», indique le député, qui affirme qu'il a pris connaissance de l'affaire Audin par d'autres sources. Il avait été amené à présider le jury du Prix de mathématiques Maurice Audin. A ce titre, il explique à notre confrère avoir eu l'occasion «d'honorer sa mémoire, en France et en Algérie». Proche du président Macron, le chef de l'Etat lui a indiqué que le travail d'ouverture des archives, initié par le président François Hollande, allait se poursuivre, mais que, selon Cédric Villani, «aucune archive ne venait apporter un éclairage décisif sur le sort de Maurice Audin». Il ajoute cependant que selon son «intime conviction, Maurice Audin a été assassiné par l'armée française». Ce qu'on sait déjà depuis les révélations de ces dernières années, mais la parole lourde de sens pour un personnage de l'Etat français qui vaut parole officielle, en tant que représentant du peuple, qui plus est siégeant dans la majorité du gouvernement. Le député va encore plus loin, reconnaissant qu'«au-delà des circonstances particulières de son exécution, ce qui importe, pour moi et pour bien d'autres, c'est que l'Etat reconnaisse et condamne officiellement l'attitude et le plan de l'armée française de l'époque, faisant disparaître des citoyens par centaines et utilisant des ‘‘moyens illégaux'', pour reprendre l'euphémisme que j'ai pu lire dans une archive que l'on m'a présentée. Il s'agit (…) de travailler à la cicatrisation des plaies qui sont encore ouvertes dans notre mémoire collective». Un pas très clair que fait le député, avec très certainement l'aval d'Emmanuel Macron. Dommage cependant que dans la fin de l'entretien, l'élu se croie obliger d'adosser au besoin de mémoire, la question des harkis qui, aussi douloureuse qu'elle soit, est très éloignée de celle des crimes d'Etat concernant des Algériens tués lâchement pendant la Bataille d'Alger. Fort heureusement, il conclut cependant que l'éclairage sur la mort d'Audin «a vocation à s'inscrire dans une politique volontaire de coopération scientifique franco-algérienne».