Le système hospitalier algérien se prépare à vivre un grand changement. Le chantier d'une réforme hospitalière initiée dans le cadre de l'élaboration du projet d'une nouvelle loi sanitaire prévoit la mise en place d'une gouvernance hospitalière incarnée par l'autonomie financière des hôpitaux. A travers cette réforme, les hôpitaux publics vont enfin obtenir le statut d'institution autonome. Plusieurs professionnels de la santé publique que nous avons interrogés à Oran sont unanimes à dire que «les hôpitaux publics ont besoin de plus d'autonomie pour répondre aux demandes des patients, des caisses d'assurance maladie et rester performants». «Il faut revoir globalement le système de gestion actuel en décentralisant la prise de décision», estime un médecin exerçant à l'EHU d'Oran, qui a préféré requérir l'anonymat. Cet hôpital est le seul établissement en Algérie à être doté d'une autonomie relative de gestion. De par la spécificité de son statut, cet EHU dispose d'une certaine souplesse dans la gestion. «Il faut, par exemple, instaurer une évaluation chiffrée des gestionnaires, basée sur des critères palpables. La politique salariale est aussi un élément important pour inciter à la qualité des prestations», plaide un praticien. En matière de rémunération du personnel, une convention collective a été mise en place entre l'EHU et le partenaire syndical. Une convention validée par le conseil d'administration, mais qui ne peut être effective que si l'établissement dispose de ses fonds propres. Or, ce n'est pas le cas aujourd'hui : «Il faudra instaurer une contractualisation pour que l'établissement puisse fonctionner sur ses fonds propres. L'EHU en a les moyens, car il assure, par exemple, des interventions qui permettent la réduction des transferts à l'étranger. Un exemple : cet hôpital dépense 4 millions de dinars pour assurer une greffe de la moelle osseuse, qui coûte à l'étranger l'équivalent de pas moins de 80 millions de dinars (400 000 euros). C'est autant de ressources non négligeables pour l'hôpital. Encore faudrait-il que la CNAS et l'Etat payent. Le dossier est sur la bonne voie. L'EHU a été choisi comme établissement pilote pour amorcer une première contractualisation avec la CNAS.» Cette contractualisation devrait être effective cette année. La mise en place d'une tarification est en cours pour pouvoir facturer les prestations au ministère de la Santé et à la CNAS. Un centre de calcul a été créé pour assurer la facturation des prestations. Autre nouveauté de ce projet de loi sanitaire : après plusieurs décennies d'une gestion caractérisée par des subventions exclusivement soumises au principe de la couverture des déficits, le financement des hôpitaux sera modifié par cette réforme. Outre les subventions traditionnelles, les ressources financières des établissements publics de santé doivent provenir des contributions des organismes de la Sécurité sociale, des recettes issues de toutes activités en relation avec leurs missions, assurées au profit d'organismes et structures publics et privés dans un cadre contractuel, des remboursements des assurances économiques au titre des dommages corporels, ainsi que des emprunts. «Il faut plutôt financer les activités de soins et non plus, seulement, les structures chargées de les dispenser, autrement dit, il faut passer à un financement des hôpitaux, indexé sur les prestations assurées par ces derniers. Les nouvelles modalités doivent davantage tenir compte de l'activité et du dynamisme de chaque établissement», estime un médecin du CHU d'Oran. «Le mode actuel de financement est arrivé à essoufflement. Il ne faut plus financer les structures hospitalières, mais leurs activités. L'idée est de mettre en place un moyen de gestion et de contrôle qui permette d'évaluer les activités quantitatives et qualitatives, leurs managers et leurs praticiens», soutient encore ce praticien. L'EHU a signé une convention avec l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP) pour améliorer la gestion des ressources humaines. Une autre convention a également été paraphée avec l'université allemande de Heidelberg pour la certification en matière de normes de qualité et de sécurité. Une certification qui exige la satisfaction de 400 paramètres internes à l'établissement. «Les hôpitaux doivent appliquer le principe de facturation selon la prestation. Ils doivent pouvoir contracter librement des crédits et leurs employés doivent disposer d'un contrat de droit privé», pense un autre médecin. C'est le cas de l'EHU d'Oran, où le personnel dispose d'un contrat de droit privé, autrement dit, l'hôpital emploie des salariés et non pas des fonctionnaires. Or, ce principe n'est pas retenu par le projet de loi de réforme, qui consacre plutôt un rapport de travail de droit public. Ce projet de loi stipule, en effet, que les personnels des hôpitaux sont régis par les dispositions du Statut général de la Fonction publique. «Le levier le plus important à actionner est la ressource humaine. Il faut que les hôpitaux accordent aux personnels des primes au mérite», plaide un médecin spécialiste du CHU. Par ailleurs, ce projet de nouvelle loi sanitaire énonce également que le financement des établissements publics de santé s'effectue sur la base de contrats d'objectifs et de performance signés avec les services compétents du ministère chargé de la Santé. Ces contrats fixent les obligations des structures et des établissements publics de santé et prévoient les moyens nécessaires à la réalisation des objectifs fixés dans le Schéma national d'organisation sanitaire. «Sur le terrain, ce dispositif obligera les établissements à mettre en place un plan d'action qui énonce des objectifs chiffrés à atteindre, à l'image du nombre d'interventions chirurgicales par spécialité», explique un praticien. A l'EHU d'Oran, une évaluation de la qualité des prestations de service regroupées en pôles a été mise en place en interne. L'évaluation tient compte de la mortalité, de la morbidité et de bien d'autres indicateurs palpables. Une contractualisation des services a été lancée avec la fixation d'objectifs à atteindre.