Le 25 janvier 1990, des milliers de personnes ont manifesté à Alger en observant un rassemblement devant le siège de l'APN portant haut la revendication identitaire. Une plateforme de revendications est remise au président de l'APN, Rabah Bitat, par Matoub Lounès. 28 ans après, Mohand Sadek Akrour et Nacer Arbane, acteurs du Mouvement culturel berbère (MCB), ont rappelé le souvenir de cette action qui avait arraché l'un des premiers acquis pour tamazight. La rencontre, organisée vendredi dernier à Barbacha par la section du PST, a eu lieu dans la salle dite des fêtes et que l'on a baptisée «Maison du peuple». Mohand Sadek Akrour, actuel maire de Barbacha, estime qu'on évoque peu certaines dates historiques qui ont émaillé le combat pour tamazight, dont celle de ce rassemblement. La genèse ramène l'assistance jusqu'au 10 mars 1980, jour de l'interdiction de la conférence de Mouloud Mammeri à l'université de Tizi Ouzou et la marche du lendemain qui a porté le combat dans la rue. Un mouvement de masse prend forme et fait face à la répression du régime qui frappe aussi à Alger en réprimant la marche du 7 avril démarrant de la fac centrale, et dans laquelle Kateb Yacine, Ferhat M'henni et d'autres ont été actifs. Dix jours plus tard, le ministre de l'Enseignement supérieur, Abdelhak Brerhi, est à Tizi Ouzou pour promettre un institut de langue amazighe contre l'arrêt de la grève qui paralysait l'université. Le régime fait parler aussitôt le bâton. Le 19 avril, les CRS entrent en scène et s'en prennent violemment aux étudiants. Le souvenir d'avril 80, encore intact dans les esprits, les militants se remobilisent et tiennent leur premier séminaire à Iâakouren. Le rapport de synthèse rappelle que l'Algérie est un pays amazigh et revendique la garantie des libertés démocratiques, la réécriture objective de l'histoire et tamazight, ainsi que l'arabe populaire langues nationales. Face à un gouvernement qui se fait autiste, le «mouvement 80» résiste et continue dans l'université, avant que n'éclate la première mise à mal, avec la naissance du RCD en février 1989, et l'annonce que «le MCB est mort». Pour rebondir, des animateurs du MCB organisent un deuxième séminaire du Mouvement en juillet 1989 à la Maison de la culture de Tizi Ouzou. Les séminaristes ne sacrifient rien de leur idéal démocratique. «Nous étions les premiers à comprendre qu'il fallait imposer l'égalité linguistique en revendiquant aussi le caractère officiel pour tamazight», assure Nacer Arbane. Une réunion tenue en décembre de la même année aboutit à la décision de tenir un rassemblement à Alger le 25 janvier 1990 et de remettre le rapport de synthèse du séminaire de Tizi Ouzou au chef du gouvernement, Mouloud Hamrouche. Celui-ci, espérant faire annuler la manif, signe la veille le décret de création du département de tamazight de Tizi Ouzou. Le rassemblement n'est pas pour autant annulé. Les autorités ont laissé faire et, étrangement, ont permis l'ouverture de l'antenne de l'ENTV aux représentants du MCB, qu'étaient Sadek Akrour et Djamel Zenati. «L'axe square-Grande-Poste-place des Martyrs était noir de monde», se rappelle Akrour, qui cite le prolongement des horaires de la Chaîne 2 de la Radio nationale parmi les acquis arrachés par cette action. Pour lui, il y a lieu de rectifier que l'enseignement de tamazight ne remonte pas au lendemain de la grève du cartable, mais a été arraché le 24 janvier 1990.