Pour bon nombre d'Algériens, il y a sans doute de quoi désespérer de l'appareil de l'Etat et des institutions nationales. Encore une fois, de graves accusations de corruption, concussion, dilapidation de biens publics et autres malversations sont portées à l'égard d'anciens ministres par une personnalité politique, une députée de l'opposition et un opérateur privé victime de leurs agissements, sans que cela n'émeuve outre mesure les cercles officiels. Pas de réaction aussi bien de la part de l'Exécutif, des instances judiciaires ou même des services de sécurité. En effet, jusqu'à preuve du contraire, nulle enquête ou toute autre procédure d'investigation, voire de demande d'audition de la part d'un juge n'a été enclenchée à l'encontre aussi bien de Abdessalem Bouchouareb que de Abdelhamid Temmar, anciens ministres du temps où le premier était chargé de l'Industrie et le second de la Privatisation. Les griefs qui leur sont reprochés par leurs accusateurs sont lourds et accablants pour ébranler suffisamment l'appareil de l'Etat et sa crédibilité dans l'action publique. Partout ailleurs, dans des conditions minimum de fonctionnement de la démocratie, de tels faits auraient pris l'ampleur de vrais scandales d'Etat, et la recherche de la vérité afin de faire toute la lumière sur ces affaires aurait été érigée en priorité absolue et une nécessité. D'autant qu'il s'agit d'accusations publiques et non de rumeurs ou de dénonciations anonymes qu'on aurait pu, sans doute, ignorer. Bien au contraire, il s'agit présentement d'accusateurs connus et identifiés, de personnalités publiques. Quant aux mis en cause, loin de se sentir diffamés ou victimes de calomnies, ils ont choisi jusqu'à présent de se taire, comme s'ils avaient réellement quelque chose à se reprocher, sans doute désarçonnés par de telles accusations publiques aussi inattendues. Peut-être ont-ils confiance dans leur impunité au point de ne pas réaliser qu'ils sont aujourd'hui dénoncés publiquement à travers les médias. Mais le plus inquiétant, c'est assurément le laxisme et l'absence de réaction des institutions chargées de préserver les intérêts de la collectivité nationale et en premier lieu la justice. Tétanisées sans doute par l'ampleur des premiers scandales, elles ont choisi de «faire le dos rond» et de laisser passer la tempête, de crainte sans doute d'avoir à faire face à de nouvelles révélations encore plus accablantes. Et que ce qui a été révélé jusqu'à présent ne serait que la partie visible de l'iceberg. Par ailleurs, rien ne pourrait justifier que l'action publique n'ait pas été enclenchée pour les faits reprochés à ces responsables et les dommages causés à la collectivité nationale. Surtout si l'on admet que nul n'est au-dessus de la loi, un principe réaffirmé dans la Constitution algérienne. Dans ces conditions, il ne serait pas étonnant que beaucoup de citoyens, face à la remise en cause dans la réalité de ce principe d'égalité devant la loi, se mettent à douter de la sincérité des dirigeants algériens. C'est la rupture de confiance qui est ainsi consommée entre ces derniers et la majorité de leurs concitoyens.